De quoi ça parle ?
Côté pro, c'est une tueuse à gages réputée. Côté perso, une mère célibataire dépassée. Si tuer ne lui pose aucun problème, élever sa fille adolescente est une tout autre histoire.
Kill Bok-soon, un film écrit et réalisé par Sung-hyun Byun avec Do-yeon Jeon, Fahim Fazli, Jung-min Hwang…
Saignant et jouissif
Pour Bok-soon (Do-yeon Jeon), mère célibataire d'une adolescente de 15 ans, maussade et secrète, l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée devient de plus en plus difficile à trouver. D'autant plus que Bok-soon trouve plus facile de parler à son impressionnante collection de plantes d'intérieur qu'à sa fille, Jae-young (Si-ah Kim).
En outre, Bok-soon est une tueuse à gages parmi les plus célèbres de Corée du Sud : une journée normale au bureau peut consister à éliminer un gangster japonais armé d'un sabre de samouraï. Il se peut aussi qu'elle ne rentre pas du tout à la maison et passe une nuit dehors pour "réussir son show" comme il est dit dans le film. Comprenez "pour exécuter son contrat".
Kill Bok-son est un film singulier dans la catégorie des films sur des tueurs à gages. Car Bok-soon sort clairement du lot. Elle ne correspond pas à l’archétype de la femme de l’ombre, la femme passe-partout que l’on croise sans jamais lui prêter attention. C’est une vraie star dans son métier, et la meilleure de son agence qui règne sur ce domaine d’expertise très particulier. Elle est adulée par tous ses collègues. Et quand elle arrive quelque part, on la remarque.
Habillée couture, à la pointe de la mode, vivant d’un appartement ultra-luxueux et au volant d’un gros SUV Mercedes, elle ne passe pas inaperçue.
Quand on fait la connaissance de Bok-soon, elle se prépare à affronter sa dernière cible, un Yakuza nu mais équipé de son précieux sabre. Bok-soon, elle, se contente d'une banale hache achetée dans un grand magasin et d'un uniforme de femme de chambre d'hôtel peu pratique pour le combat rapproché. Et même avec cet accoutrement, elle sort du lot.
Mais quand elle constate le manque de praticité de sa tenue, elle redevient pragmatique et finit sa mission d’un coup de feu. Voilà une manière efficace de dresser en quelques minutes le portrait de cette femme, une vraie professionnelle, qui n’exerce pas son métier par contrainte mais véritablement par passion. Ce qui ne l’empêche pas d’être une mère attentive même si la vie avec une adolescente commence à s’avérer compliqué.
Lorsque vient le moment de renouveler son contrat avec son agence, elle décide de se retirer pour privilégier sa relation avec sa fille. Mais un basculement s’opère après un show qu’elle n’a pas "tenté de réussir à tout prix" comme la règle l’exige. Alors son mentor et employeur se retourne contre elle et la prédatrice devient proie. Ce récit familier fait logiquement écho à d’autres dont John Wick, mais le film s’en émancipe rapidement.
No Ju-han/Netflix © 2023
Une femme singulière
Dans le rôle principal, Do-yeon Jeon est plus que convaincante. Elle trouve le juste milieu entre la froideur absolue et la complicité totale. Elle est froide lorsqu'elle échange avec ses collègues et ses amants, mais lorsqu'elle est avec sa fille ou sa stagiaire, elle éprouve des sentiments profonds.
C'est dans les moments où elle passe de l'un à l'autre qu'elle brille en tant qu'actrice. Il y a aussi toutes ces séquences qui s’apparentent presque à de la prémonition où elle lit la personne en face d’elle en anticipant les divers scénarios possibles qui pourraient découler de telle ou telle initiative. C’est un peu la Zinedine Zidane des tueurs à gages, sa capacité de lecture et d’anticipation font d’elle un être hors pair.
Cela donne lieu à une séquence totalement hypnotique à la fin du film où elle envisage toutes les configurations possibles pour un combat qui s’annonce terrible. Des dizaines de scénarios se déploient alors à l’écran, comme un multiverse instantané, donnant à cette séquence une poésie d’une cruelle beauté.
Kill Bok-soon devrait trouver sa place sur Netflix, en s'adressant à un public mondialisé fan de Squid Game. Ce film Netflix bénéficie en plus d'un solide pedigree : Do-yeon Jeon a remporté le prix de la meilleure actrice à Cannes pour Secret Sunshine de Lee Chang-dong en 2007. Le réalisateur Sung-hyun Byun, qui a écrit le scénario de Kill Bok-soon, a déclaré : "Le point de départ du film n'était pas une histoire particulière à raconter, mais l'actrice Do-yeon Jeon."
Jeon est son actrice préférée de longue date. Il a réfléchi longuement à l'élaboration d'un nouveau type de rôle pour elle, qui laisserait une impression durable sur le public. Jeon ne s’est jamais adonnée au genre de l'action. C’est ainsi que Kill Bok-soon est né.
Après avoir opté pour un film d'action, il s'est entretenu avec Do-yeon Jeon pour élaborer l'intrigue et a découvert que le plus grand défi pour l’actrice n'était autre que l'éducation de ses enfants. Il a donc construit le personnage de Bok-soon Gil autour de cette idée, troquant une carrière d'actrice contre celle d’une tueuse à gages afin d'accentuer l'ironie et le contraste entre les assassinats et la maternité. Une réussite.
