De quoi ça parle ?
Toby Fleishman, la quarantaine récemment séparé, se remet à la séduction via les applications de rencontre. Mais juste au début de son premier été de liberté sexuelle, son ex-femme, Rachel, disparaît, le laissant avec les enfants sans savoir où elle est ni si elle compte revenir. Alors qu'il doit concilier son rôle de parent, le retour de vieux amis, une promotion à l'hôpital qui se fait attendre, et toutes les femmes éligibles que Manhattan a à offrir, il se rend compte qu'il ne pourra jamais comprendre ce qui est arrivé à Rachel tant qu'il ne pourra pas jeter un regard plus honnête sur ce qui est arrivé à leur mariage en premier lieu.
Anatomie d'un divorce, une série créée par Taffy Brodesser-Akner avec Jesse Eisenberg, Claire Danes, Lizzy Caplan... Épisodes vus : 8 sur 8
C'est avec qui ?
Anatomie d’un divorce fait partie de ces mini-séries dites de prestige produites par ABC pour la chaîne FX on Hulu. Pour ce type de productions, une règle en or prévaut sur toutes les autres : un casting solide et attrayant.
Ainsi Jesse Eisenberg reprend un premier rôle à la télévision pour la première fois depuis la série La Famille Green qui l’a révélé. Il joue Toby Fleishman, un médecin quadragénaire qui enchaîne les conquêtes depuis son divorce.
Son ex-femme Rachel est jouée par Claire Danes qui interprète là, la version "vie de tous les jours" de Carrie Mathison, iconique personnage de Homeland. Mais encore ? Une femme brillante mais pas présentée sous son meilleur jour.
De son côté la toujours excellente Lizzy Caplan joue Libby, une amie de l’université de Toby qu’il recontacte à l’occasion de son divorce. Elle sert également de narratrice à la série. Enfin, on retrouve également Adam Brody (éternel Seth de Newport Beach) qui joue lui aussi un ami de fac de Toby et Libby
Disney+
Ça vaut le coup d'œil ?
Anatomie d'un divorce s'ouvre sur un plan à l'envers. La caméra survole une ligne d'horizon inversée de Manhattan – des immeubles de briques trapus dans la moitié supérieure du cadre, un ciel bleu brumeux en dessous. C'est une introduction déstabilisante pour une série qui ne cesse de nous couper l'herbe sous le pied. Mais ici, ce plan signifie à quel point le divorce de Rachel et Toby constitue un bouleversement.
Au début, Anatomie d'un divorce ne s'intéresse pratiquement qu'à un seul personnage : Toby Fleishman, un hépatologue fraîchement divorcé. Installé dans l'Upper East Side, son application de dating récemment téléchargée lui offre plus d'occasions de rencontres d'un soir qu'il n'en a jamais eues de toute sa vie.
Mais son ex-femme, Rachel lui a collé leurs enfants en plein milieu de la nuit pour s'enfuir faire une retraite de yoga. Toby est colère. Lui aussi a un travail. Même si c'est la carrière beaucoup plus lucrative d'agent artistique de Rachel qui a façonné la vie de famille jusqu'à présent.
Disney+
Ici, Taffy Brodesser-Akner, collaboratrice du New York Times Magazine, s'amuse avec le spectateur car les choses sont plus compliquées qu'il n'y paraît. Le ton peut être tantôt jovial, les blagues tantôt acérées comme des poignards. Mais à mesure que l'histoire avance, elle révèle sa construction. Quelles histoires les gens sont-ils plus enclins à écouter ? Quelle version de la vérité favorisons-nous naturellement sans nous en rendre compte ? Ce sont les questions sous-jacentes qu'Anatomie d'un divorce nous pose l'air de rien.
La série explore ces interrogations principalement à travers la narration de Libby, une amie de fac de Toby dont la présence prend progressivement de l'ampleur. C'est la voix de Libby qui décrit le désarroi de Toby lorsqu'il se retrouve – après 15 ans de mariage – plus désirable qu'il ne l'a jamais été en tant que célibataire.
Libby, une journaliste désabusée d'une quarantaine d'années qui a quitté son emploi frustrant de rédactrice dans un magazine masculin, souffre elle-même d'un malaise existentiel. Mais Toby ne le remarque jamais. Elle s'est rendue compte qu'en tant que femme, tout ce qu'elle écrit sera toujours une histoire de femme, par opposition à une histoire humaine et universelle passionnante, et forcément celle d'un homme.
La série capte l'air du temps, faisant allusion par petites touches aux mouvements qui traversent la société depuis quelques cinq petites années. Ceux où de plus en plus de femmes osent prendre la place qui leur revient de droit sur la place publique.
C'est toujours fait avec humour, intelligence et un détachement ironique jusqu'à ce que, dans le septième des huit épisodes, on découvre (enfin !) la version de Rachel, qui s'avère être dévastatrice. Si dévastatrice, en fait, que l'on peut se demander pourquoi une si grande partie de l'histoire a été consacrée jusqu'à présent à Toby, un garçon un peu ennuyeux et égocentrique, à ses patients malades et à ses enfants capricieux.
Disney+
L'information a besoin d'être dévoilée ici, car la patience pourrait manquer au spectateur qui chercherait à voir un peu plus de Claire Danes que quelques scènes d'un personnage particulièrement antipathique. C'est là que la série prend une toute autre dimension. Abordant des sujets si puissants et avec une telle force qu'on a l'impression de se prendre une claque en pleine figure. L'abandon maternel en particulier, et la question de savoir pourquoi une femme fait un doigt d'honneur à l'impératif biologique et abandonne ses enfants.
Ces thèmes ont pris d'assaut toutes sortes d'histoires magnifiques et non conventionnelles ces derniers temps. Pour le meilleur. Dans Anatomie d'un divorce, l'histoire de Rachel est si importante – et interprétée avec tant d'engagement par Claire Danes – que lorsqu'elle est révélée, tout le reste pâlit en comparaison.
Alors, tout ce qui a précédé prend une couleur différente. Il y a la façon dont la série nous incite continuellement à féliciter Toby de s'occuper seul de ses enfants, comme si c'était un exploit remarquable pour un père. Et en contrepoint, une obligation évidente et totalement irrévocable de toute mère. Ce regard-là change, bien sûr.
Anatomie d'un divorce fait la démonstration parfaite de ce qu'elle dénonce : il faut passer par la supercherie pour trouver les expériences des femmes fascinantes. Nos perspectives sont biaisées. Et cette seule leçon résonne fort et longtemps après l'avoir reçue.
