Un groupe de 24 humanitaires doit faire face à la justice grecque dans le cadre d’un procès qui s’est ouvert le 10 janvier. Parmi eux figure la réfugiée et nageuse syrienne Sarah Mardini, rendue célèbre grâce au film Netflix Les Nageuses qui a rencontré un franc succès sur la plateforme. Elle encourt jusqu’à 25 ans de prison.
Le groupe est jugé sur l'île grecque de Lesbos, plus de quatre ans après les faits qui leur sont reprochés, à savoir : avoir porté secours à des migrants au large de la Grèce. Cette affaire a été dénoncée dans un rapport du Parlement européen comme le "plus grand cas de criminalisation de la solidarité" en Europe.
Le groupe d’humanitaires a initialement été détenu en 2018 pendant plusieurs mois pour des soupçons de trafic d'êtres humains, mais les charges qui pèsent sur le groupe concernent l'espionnage, l'accès illégal à des communications d'État, le blanchiment d'argent et l'assistance à une activité criminelle, rapporte la BBC.
La police a déclaré en 2018 que les volontaires avaient recueilli des informations sur les flux de réfugiés venus de la côte turque vers les îles grecques de Lesbos et Samos, et fourni une assistance directe aux groupes de trafic organisés.
Sarah Mardini n'était pas présente au tribunal pour l'audience car elle est interdite d’entrée sur le territoire grec, y compris pour assister à son procès. Mais Seán Binder, son collègue également accusé et plongeur expérimenté, a déclaré à la presse que l'important était de s'assurer que la règle de droit serait respectée :
"Nous devons nous assurer que la recherche et le sauvetage sont autorisés, nous devons nous assurer que les gens ont le droit de demander l'asile."
Les deux volontaires avaient rejoint un groupe appelé Emergency Response Centre International, qui a depuis été dissous. Le rapport du Parlement européen de 2021 a souligné que le premier sauvetage de Sarah Mardini avait eu lieu en 2015, lorsqu'elle et sa sœur Yusra – également héroïne du film Les Nageuses – ont aidé à sauver d'autres personnes à bord du bateau sur lequel elles voyageaient.
Un procès controversé
Sarah Mardini a déclaré à la BBC après sa libération en 2018 que son arrestation avait été un choc, car son groupe avait voulu aider les réfugiés en leur fournissant une assistance médicale, de l'eau et une couverture à leur arrivée en Grèce.
"Ce procès a reconfiguré sa vie. Elle voudrait juste avoir une existence normale, mais cette procédure l’en empêche", explique dans les colonnes du Monde Sven Spannekrebs, l’entraîneur de natation qui a aidé les deux sœurs à leur arrivée à Berlin et qui est également représenté dans le film.
De son côté, Seán Binder a déclaré que les accusations d'espionnage et d'utilisation de communications cryptées n'impliquaient rien de plus que l'envoi de messages via WhatsApp et l'écoute de la radio maritime.
Parmi les autres membres du groupe figurent Nasos Karakitsos, maître-nageur bénévole, et Pieter Wittenberg, ressortissant néerlandais à la retraite, qui a déclaré à Amnesty International qu'il risquait 20 à 25 ans de prison s'il était reconnu coupable d'être resté sur la plage en tant que spectateur.
Leur procès suit de près l'affaire d'un migrant somalien, Mohamed Abdi, condamné à 142 ans de prison pour trafic d'êtres humains après avoir sauvé plus de 30 vies. Abdi a déclaré qu'il avait guidé le canot pneumatique des migrants jusqu'au rivage après qu'il a été abandonné par un trafiquant turc en 2020.
Le tribunal de Mytilène, en Grèce, a décidé lundi que sa peine devait être commuée et a ordonné sa libération pour le temps passé en prison. Des dizaines d'ONG ont critiqué le procès de Lesbos, et un groupe de membres du Parlement européen a signé une lettre appelant le gouvernement d'Athènes à abandonner l'affaire.
Le procès s'est ouvert mardi et a été ajourné jusqu'à vendredi.