Si le cinéma français regorge de talents, celui de Denis Ménochet est rare. Imposant et caméléon, il peut se fondre dans la peau d’un amoureux transi façon Fassbinder sous l'œil de François Ozon comme dans celle d’une proie dans le thriller rural As Bestas de Rodrigo Sorogoyen. L’acteur ouvre 2023 devant la caméra d’un jeune réalisateur, Guillaume Renusson, qui signe ici son premier film.
Avec Les Survivants, le cinéaste - coauteur du scénario avec Clément Peny - raconte l’histoire de Samuel, un père veuf, dont le destin va basculer lorsqu’il va faire la rencontre de Chehreh, une afghane en exil. Alors qu’elle tente de rejoindre la France, son périple va se heurter à la violence et l’ignorance des hommes. Samuel décide de l’aider, quoi qu’il en coûte.
Le réalisateur propose un vrai film de genre, entre le thriller et le survival, avec une vraie portée politique qui fait notamment écho aux opérations anti-migrants réalisées par des mouvements d’extrême droite dans les Alpes.
“Quand j'étais étudiant, je me suis retrouvé pendant une année à accompagner une famille originaire d’Angola sur le territoire français, explique Guillaume Renusson. C'est une famille qui venait de perdre le papa pendant la traversée. Cette dimension du deuil revient souvent dans les témoignages réfugiés. Je voulais raconter le destin de deux personnages que tout oppose, mais qui se reconnaissent à travers leurs blessures.”
Le titre du long métrage n’annonce pas seulement un film de survie, mais un périple sur deux héros amochés et en reconstruction. Pour ce duo, Denis Ménochet donne la réplique à Zar Amir Ebrahimi, auréolée d’un Prix d’interprétation au Festival de Cannes pour Les Nuits de Mashhad. “J’aime pouvoir faire des films qui font parler, explique l’acteur. Ce scénario, je l’ai trouvé très puissant et Guillaume Renusson est l’un des meilleurs capitaines de bateau que j’ai eu dans ma carrière.”
Si Les Survivants est un film extrême, son tournage était, lui aussi, des plus intenses. Filmer dans la neige est déjà une difficulté, c’était sans compter sur une pandémie. Seulement quelques jours après le premier clap, l’équipe est interrompue pour le premier confinement. Dix mois d’arrêt. Pendant cette longue pause, le travail ne s'est jamais arrêté. “J’ai tout filmé, révèle Denis Ménochet. Il faudra que l’on sorte ces images pour que les gens réalisent la folie de ce tournage.”
D’un dévouement absolu, l’équipe est restée solidaire jusqu’à la fin, comme en témoignent les mots de la costumière Anne Kervran Lorca : “Moi vivante, je terminerai ce film.“ Une expérience humaine pour un film qui l’est tout autant.
Propos recueillis par Thomas Desroches, à Angoulême, en août 2022.
Les Survivants, au cinéma le 4 janvier 2023.