En 1921, le réalisateur Fritz Lang et la scénariste Thea von Harbou, tous deux allemands, écrivent le scénario du Tombeau hindou, porté sur grand écran par Joe May. Peu de temps après, Fritz Lang laisse derrière lui sa co-scénariste attitrée et épouse, qui adhère à l’idéologie nazie, afin de s’exiler d’abord en France, puis aux États-Unis.
À son retour en RFA en 1956, le cinéaste décide de reprendre le film d’aventures dont il s’était senti dépossédé. Il signe ainsi pour le producteur Artur Brauner – plus habitué aux films commerciaux qu’aux films d’auteurs – un diptyque intitulé Le Tigre du Bengale et Le Tombeau hindou.
Le premier volet, diffusé ce soir sur Arte, plante le décor et l’intrigue. Un triangle amoureux dans une Inde fantasmée où rien ne manque : les palais somptueux, la chasse aux tigres, les éléphants, les ascètes mystiques, les Maharadjas, les saris aux couleurs vives, les complots, les amours interdites… Si des yeux modernes peuvent y voir un long-métrage kitsch aux effets spéciaux trop visibles, ils ne peuvent nier des morceaux de bravoure impressionnants.
Avec une beauté plastique épurée, une mise en scène rigoureuse (grâce à une économie de mouvements de caméra), une histoire intemporelle et une trame de serial (qui a sans doute inspiré Spielberg pour Indiana Jones), Fritz Lang retrouve les thématiques et le gigantisme de ses films muets (Métropolis, Les Nibelungen, Les Trois Lumières), sondant les profondeurs de la nature humaine. Loin des préoccupations sociales et politiques de sa carrière américaine, le réalisateur signe un magnifique dytique testamentaire, déconcertant pour la critique, mais charmant pour le public.
Le Tigre du Bengale de Fritz Lang avec Debra Paget, Paul Hubschmid, Walter Reyer...
Ce soir sur Arte à 20h55