L’amitié peut-elle résister aux normes de la société ? Dans son second long métrage, Close, Lukas Dhont s’intéresse à un âge impitoyable où les regards et les mots ont le pouvoir de foudroyer. Quatre ans après Girl - Caméra d’or en 2018 -, le cinéaste belge confirme son talent avec ce film, honoré du Grand Prix au Festival de Cannes en 2022.
Il suit le destin de deux adolescents âgés de 13 ans, Léo et Rémi, amis depuis toujours. Leur rentrée dans un nouvel établissement va bouleverser ce lien qu’ils croyaient indéfectible. Pour écrire, le réalisateur s’est inspiré d’une étude réalisée par Niobe Way. Cette psychologue américaine a suivi son propre fils de 13 à 18 ans en observant l’évolution de ses amitiés avec les garçons de son âge.
“Dès l’âge de 15 ou 16 ans, elle a remarqué un changement qui empêche l’adolescent d’exprimer ses émotions de la même manière qu’avant, explique Lukas Dhont. Il y a la peur d’être jugé, d’être vu comme trop féminin.” Le cinéaste se reconnaît dans cette étude et décide d’y consacrer un film, dont le titre - Close - renvoie à l’idée de proximité, aussi bien physique que psychologique.
Je veux montrer des personnages pour qui l’impact du monde se passe à l’intérieur.
Lorsque l’un s’éloigne, l’autre se mure dans le silence. Un silence dévastateur. Le réalisateur s’est, lui aussi, autrefois réfugié dans le mutisme : “J’ai le sentiment que pendant mon enfance et mon adolescence, tout s’est passé à l’intérieur de moi. Désormais, j’essaye de traduire ce sentiment dans le cinéma. Je veux montrer des personnages pour qui l’impact du monde et du regard des autres se passent à l’intérieur.”
Close repose sur un duo. Pour le créer, Lukas Dhont s’entoure de deux jeunes acteurs qui incarnent ici leur premier rôle : Eden Dambrine (Léo) et Gustav de Waele (Rémi). “Lukas nous a donné le scénario et nous a demandé de ne le lire qu’une seule fois. Après ça, on devait le ranger et se baser uniquement sur notre instinct. Nous n’avons jamais appris le texte par cœur, détaille le second. Il a façonné le film sur nos personnalités.”
“Nous avons passé beaucoup de temps ensemble, nous mangions ensemble, nous sommes allés à la mer, se remémore le réalisateur. Il fallait qu’ils aient confiance, qu’ils me posent des questions et qu’ils me fassent part de leurs doutes s’ils en savaient”. C’est cette connexion entre le cinéaste et ses acteurs qui fait de Close un film intense dont on ne peut sortir indemne.
Propos recueillis par Thomas Desroches, à Cannes, en mai 2022.
Close de Lukas Dhont, au cinéma le 1er novembre 2022.