Sorti au cinéma le 20 février 1985, Brazil relate l'histoire de Sam Lowry, fonctionnaire modèle d'une mégapole étrange, à la fois d'hier, beaucoup d'aujourd'hui et tout à fait de demain. Ce dernier a des problèmes avec sa maman et avec l'Etat, tout puissant.
Pour couronner le tout, des songes bizarres l'entraînent chaque nuit sur les ailes d'Icare, à la recherche d'une jeune femme blonde, évanescente, inaccessible. Chaque fois qu'il est sur le point de l'atteindre, leurs trajectoires se séparent et le songe s'interrompt cruellement.
Pourtant une nuit, la belle Jill Layton entre dans sa vie... Par le biais d'une erreur dans la machinerie fantastique qui préside à l'organisation de la vie quotidienne des citoyens de cette ville étrange, l'Ordinateur suprême a désigné le brave Buttle à la place de l'escroc Tuttle, activement recherché.
Après le décès fâcheux du pauvre Buttle, Saw Lowry, jusque là employé rampant, est promu au Service des Recherches, très brigué... pour dédommager la veuve du défunt. La belle Jill habite au dessus de l'infortunée famille... En fait de recherches, Sam va passer son temps à retrouver la femme de ses rêves.
Sa maman, elle, a des soucis beaucoup plus terre-à-terre. Elle surveille fébrilement les résultats des multiples interventions de chirurgie plastique réalisées par une sorte de Grand-Maître d'une secte étrange dans cet univers incroyable.
Et son cher garçon suit attentivement les évolutions du visage et du corps de sa mère, ainsi que celles, nettement plus catastrophiques, de sa tante, soumise aux mêmes supplices vécus avec délice, comme une règle de vie impérative là-bas : rester jeune.
Tout cela dans un univers de tuyaux, de pompes géantes, une sorte de ville-poumon gigantesque d'où Sam sortira amplement vainqueur de toutes les embûches pour retrouver sa belle. Mais à quel prix.
UN PROJET FOU
Ancien membre de la troupe des Monty Python, Terry Gilliam réalise avec Brazil son troisième long-métrage. Cette fois, il s'affranchit du groupe comique britannique après Jabberwocky en 1977 et Bandits, bandits, tourné en 1981.
Le titre du film n'a rien à voir avec le Brésil. Véritable leitmotiv de l'oeuvre de Terry Gilliam, la chanson Aquarela do Brazil a été interprétée à la fin des années 30 par le très populaire chanteur latino Arry Barroso.
Selon Terry Gilliam, la première idée de Brazil, c'est une image. "Je faisais du repérage au pays de Galles en vue du tournage de Jabberwocky, et je visitais une petite ville industrielle avec des aciéries. Une ville horrible dans une région minière. La plage était complètement noire, à cause de la poussière de charbon", raconte le cinéaste.
"C'était tellement noir qu'on se serait cru à la tombée de la nuit. Je suis allé sur la plage, une sorte de décharge publique, et j'ai vu un homme assis seul, avec un transistor, passant d'une station à l'autre et tombant par hasard sur le thème Aquarela do Brazil de Ary Barroso. Un rythme semblable n'existe pas dans son monde", poursuit le réalisateur.
"De toute sa vie, cet homme n'avait jamais écouté une musique pareille, entraînante, romantique, gaie, syncopée et évocatrice d'évasion latine, suggérant qu'au-delà des tours d'aciers et des gratte-ciel se trouve un monde luxuriant et paisible. Parce que cette musique l'obsède, elle changea sa vie. Pour cette raison, je tenais à ce que le titre du film soit celui de cette chanson", conclut-il.
UN MONDE À LA KAFKA
Avec son administration envahissante jusqu'à l'absurde, Brazil fait irrésistiblement penser à l'oeuvre de l'auteur tchèque Franz Kafka et notamment à La Métamorphose.
La ville tentaculaire, sa population grouillante et épiée rappelle, elle, 1984, le roman visionnaire de George Orwell.
TERRY GILLIAM VS HOLLYWOOD
Inscrit dans la légende de Brazil, le conflit entre Terry Gilliam et ses producteurs, notamment Sid Sheinberg à l'époque à la tête d'Universal, a abouti à pas moins de trois versions différentes du film.
Au centre des débats, la fin de l'intrigue, jugée trop sombre par la production. Cette dernière est remaniée avec un happy end dans ce qui sera connu comme la version de Sheinberg ou "Love Conquers All". Ainsi, le long-métrage, ramené à une durée de 94 minutes, provoque la colère de Terry Gilliam, qui décide de retravailler Brazil avant sa sortie américaine en décembre 1985. Il monte ainsi sa version d'une durée de 132 minutes.
Enfin, l'Europe peut apprécier la vision du réalisateur de 142 minutes. Symptomatique de cette lutte acharnée et des mauvaises relations entre Terry Gilliam et Sidney Scheinberg, le nom du patron d'Universal est repris dans les crédits de Brazil sous la dénomination "Worst Boy", soit "pire garçon". Ambiance... La version Director's cut du film est par conséquent celle destinée au marché européen.
Porté par Jonathan Pryce, Brazil attirera un peu plus d'un millions de spectateurs en France. Malheureusement, le film sera un cuisant échec à l'international avec moins de 10 millions de dollars de recettes pour un budget de 15 millions. L'oeuvre deviendra ensuite un classique de la SF grâce à sa diffusion en vidéo. À noter que Brazil a tout de même reçu deux nominations aux Oscars 1986 : Meilleur scénario original et Meilleurs décors.