"Yes I Cannes !" Journal d'une festivalière - Page 10

Deux jours de Festival et une évidence, une ! Voir un film à Cannes constitue un programme en soi beaucoup plus nuancé et vaste qu’on ne le croit. A chaud, je dénombre quatre types de spectateurs, amateurs et professionnels confondus : le forcené qui doit tout voir pour ne rien rater, le résigné qui se balade de ci de là avec parfois l’espoir d’y arriver (ou pas…), le couche-tard (overbooké ou trop fêtard) qui achève sa nuit devant l’écran et le frustré qui, pour de bonnes raisons, n’a jamais le temps.

Une question de couleur

Pour les films en compétition, l’arme officielle, on l'a vu, est l’accréditation. Côté professionnel, arrive en tête le pass "blanc" tout puissant suivi du "rose pastille" et du "rose" (sans pastille) encore fringants. Puis vient le bleu moins valeureux et enfin le "jaune" carrément peu chanceux. Si même en tant qu'amateur, vous n'êtes pas accrédités, reste une solution : pour voir un film à Cannes, n’hésitez pas à quémander un peu partout des invitations !

Une question de faveur

Alors que les longs métrages de la sélection officielle sont difficiles d’accès pour les non-professionnels, ceux des sections parallèles mettent (à peu près) tout le monde sur un pied d’égalité. Ainsi, tout le paradoxe veut que les films habituellement peu prisés par le grand public toute l’année sont ceux qui ici, déplacent les foules, "hyper" flattées d’être acceptées.

Ah... Incohérence de spectateurs qui à Cannes attendent des heures pour un "obscur" film d’auteur, qu'ils n'auraient jamais daigné voir à Paris, ni même ailleurs !! Oui, bon j'ai l’air choquée mais en réalité la leçon date des origines de l’humanité : rare ou interdit, le fruit est tout de suite plus sexy n'est- ce pas ? Voir un film à Cannes : un interdit sans cesse bravé !

Une question de chance

Salle de projection d'un film de la section parallèle.  A ma gauche, des demoiselles carrément surexcitées : "Qu’est-ce que ce film que nous allons voir au fait ?". A ma droite, deux journalistes (dont un critique réputé) plutôt concernés : "Je suis content de voir "ce" Valérie Donzelli qui je te l'affirme va beaucoup plaire !" Tandis que les premières se félicitent d’avoir pu entrer et s’interrogent naïvement sur le prix de la place ("énorme sûrement !") qu’elles auraient dû normalement payer, les seconds élisent leur futur lieu de dîner…

Voir un film à Cannes ? ... Tout un programme donc. Un menu même ! Semblable à celui que l’on vous présenterait une fois attablé au restaurant : tantôt, la commande suivrait ; tantôt... elle n’arriverait jamais !