On "célèbre" ce 26 avril les 25 ans de la catastrophe de Tchernobyl, tandis que celle de Fukushima continue de hanter l’actualité. Comment le cinéma représente-t-il le fait nucléaire ? Réponse(s) d'une spécialiste, Hélène Puiseux... [Dossier réalisé par Alexis Geng]
La SF, l’horreur se taillent la part du lion dans la représentation du nucléaire, mais ils ne sont pas les seuls genres à aborder le sujet...
Il y a les fictions réalistes. Ce sont plutôt les Japonais, dans la veine Cloches de Nagasaki, c’est-à-dire des récits souvent très à l’eau-de-rose, très retenus, mais qui narrent de vraies histoires, de vrais événements. Chez Marguerite Duras [Hiroshima mon amour, porté à l'écran par Alain Resnais en 1959], l’atome sert de déclencheur de parole, en fin de compte. Emmanuelle Riva se met à raconter son histoire avec l’officier allemand parce qu’elle est à Hiroshima, c’est cela qui sert de déclencheur en définitive. D’ailleurs elle dit une chose très curieuse à la fin. J’ai vu ce film mille fois, et toutes les fois que je ré-entend ses mots, je me dis qu’elle a raison, c’est à cela que sert le fait de se raconter une histoire. Elle rentre toute seule à l’hôtel, se lave le visage, se regarde dans la glace et se dit, parlant à l’officier allemand en même temps : "tu vois, j’ai raconté notre histoire, elle était racontable". Voilà, c’est la fonction du cinéma, on raconte, jusqu’à ce que l’irracontable, l’impensable deviennent racontables et pensables. Je pense que c’est vraiment ce que font ces films, à tort ou à raison, je ne le sais pas - peut-être vaut-il mieux ne pas avoir peur tout le temps.
Quelle fonction remplissent des satires comme le génial Docteur Folamour (ou Les Simpson) ?
On rit de l’atome parce qu’on en a très profondément peur. C’est la mort, vraiment, la représentation de la mort, je pense, cette espèce de sidération… Le sous-titre de Docteur Folamour est "comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe", alors que le film finit très mal. Docteur Folamour fait partie de ces films où tout est ratissé, à ce qu'on voit, et la chanson finale, "on se retrouvera un jour de beau soleil", ne promet pas beaucoup en ce qui concerne une vie sur terre… Le sous-titre de Kubrick est génial, c’est vraiment la fonction du cinéma, ne plus avoir peur et aimer la chose qui fait tellement peur.
Existe-t-il une différence de ce point de vue entre le documentaire (anxiogène) et la fiction (« apaisante ») ? Peut-on dire que le documentaire inquiète, quand la fiction apaise ?
Oui, ce sont vraiment ces deux fonctions-là. A ceci près que quand vous dites "le documentaire inquiète", il faudrait être sûr qu’il inquiète, parce qu’il est plus souvent ennuyeux qu’inquiétant. A sa manière il "endort" aussi, mais par l’ennui, quand la fiction fait rêver. Il existe quand même une sorte de cliché du film documentaire, extrêmement monotone dans sa construction avec une alternance image de l’expert/images d’archive/image de l’expert etc., ou bien l’expert pro-nucléaire Vs l’expert anti, avec un discours très sérieux et à mon sens très ennuyeux. Les documentaires sont rarement intéressants. Ou alors ils le sont (ça leur arrive quand même) parce qu’ils sortent des images jamais vues auparavant, par exemple pour les cinquante ans d’Hiroshima (et les quarante de Bikini), avec des documentaires très intéressants sur les atolls du Pacifique, qui vous secouaient franchement quand ils montraient les populations, ces gens qui avaient trinqué ; c’était très fort comme images, et plutôt inquiétant pour le coup. Mais conjointement, vous aviez une quantité de documentaires rasoirs. Puis l’année d’après, en 1996, pour les dix ans de Tchernobyl, il y a eu ce documentaire [L’Oasis, de Youri Chatchevatsky], dont le réalisateur a été tourner pour l’anniversaire dans la zone interdite autour de Tchernobyl, en Ukraine et en Biélorussie. Il montrait d’abord des images extrêmement dures de l’explosion elle-même, de l’évacuation des gens de Pripiat et toutes les villes autour ; c’était du vrai documentaire avec images d’archive et interviews de victimes. Puis il entrait dans la zone et allait rencontrer les gens qui vivent dedans, car il y en a : un certain nombre de réfugiés venaient, c’était la guerre en Arménie au même moment, et ces gens sont venus dans la zone interdite de Tchernobyl. Ils disaient à peu de choses près "la guerre on la voit, on reçoit les coups de canon. Les radiations on ne les voit pas, on mange les champignons et ils sont très bons…". Il y avait en même temps un discours assez drôle, surtout lorsque Chatchevatsky interviewait une espèce de marginal qui vivait d’une manière invraisemblable dans une petite cabane. C’était très amusant, très vivant, très chaleureux. C’était un documentaire très ambigu en réalité, et d’autant plus ambigu qu’à la fin le réalisateur allait interviewer le directeur administratif de la zone, c’est-à-dire celui qui empêche qu’on y entre. Ce directeur racontait que la nature avait complètement repris le dessus et qu’il allait souvent le soir, quand il était fatigué, se promener dans la zone, parce qu’au moins là il avait la paix, et que c’était extraordinaire. Ce documentaire s’appelle donc L’Oasis, car c’était le nom donné à cette région complètement pourrie de radiations. En général, les documentaires sont donc plutôt inquiétants, mais il y a toujours l’exception qui confirme la règle.
Propos recueillis le 5 avril 2011 à Paris par Alexis Geng
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