De la théorie à la pratique : ces critiques de cinéma devenus réalisateurs - Page 8

En France, pays de la cinéphilie par excellence, le passage de l’écrit (la critique) à l’écran est presque devenu une tradition. En dehors de nos frontières, on trouve quelques exemples de cinéastes qui ont fait leurs armes en jugeant les autres…

Devenu un des plus grands cinéastes britanniques d’aujourd’hui, John Boorman écrit dans les colonnes du Manchester Guardian et en donnant son point de vue à la radio, sur la BBC, au début des annéess 50. Il a alors à peine 20 ans. Remarqué comme réalisateur de documentaires pour la télévision, il signe son premier long métrage, Sauve qui peut (Catch Us If You Can), en 1965. En Italie, Dario Argento, le roi du giallo, rédige des critiques durant sa scolarité. Il faut dire que l’image est une affaire de famille (son père est producteur, sa mère photographe). Sa prose, publiée ensuite dans des journaux tels que le quotidien romain Paesa sera, est appréciée par Sergio Leone, avec qui il entretient une correspondance. Il se voit même proposer, en 1967, de collaborer à l’écriture du scénario de Il était une fois dans l'Ouest (avec aussi Bernardo Bertolucci). Son illustre aîné et compatriote, Michelangelo Antonioni, issu d’une famille aisée de Ferrare, signe des critiques dans un journal local au milieu des années 30. Parti à Rome, il écrit alors dans le journal fasciste dirigé par Vittorio Mussolini, le fils du Duce…

Bande-annonce de "Suspiria" de Dario Argento

L’Espagnol Fernando Trueba, à qui on doit Belle époque, Two Much ou Calle 54, a non seulement été critique (pour le quotidien El Pais et l’hebdomadaire Guia del ocio) mais il a aussi créé un magazine de cinéma baptisé Casablanca en 1980, et, preuve que sa passion est toujours aussi vive, il a signé en 1997 un Dictionnaire du cinéma… On ne s’étonnera pas d’apprendre que le très cinéphile Wim Wenders a exercé lui aussi l’activité de critique (dans le Süddeutsche Zeitung et dans la revue Kritik), parallèlement à ses études de cinéma. Avant de devenir un cinéaste adulé par la presse, le grec Théo Angelopoulos a lui-même écrit sur le 7e art dans le quotidien national Avgi –c’était juste après son séjour en France, et un passage par la Sorbonne et l’Idhec.

Wim Wenders nous parle de son dernier film, "Pina"

Le Coréen Park Chan-Wook est presque aussi cinéphile que son fan numéro 1 Quentin Tarantino… Fondateur d’un ciné-club (le movie gang) dans sa fac de philo, le futur auteur d’Old Boy a écrit des textes dans diverses publications même s’il ambitionnait au départ de devenir critique… d’art. Aux Etats-Unis, les exemples ne sont pas nombreux, mais on peut citer James Agee, davantage connu pour sa production en tant qu’écrivain (il obtient le Prix Pulitzer à titre posthume pour Un mort dans la famille) et critique (il a écrit dans Time, The Nation ou encore Life Magazine). Il a tout de même signé le scénario de deux films majeurs des années 50 : La Nuit du chasseur de Charles Laughton et African Queen de John Huston. Un mot enfin du cas particulier que représente Cameron Crowe, qui fut longtemps critique, mais dans le domaine musical, pour le magazine Rolling Stone (une expérience qui a nourri son film Presque célèbre. Sa passion pour le septième et pour le journalisme à néanmoins abouti à la publication d’un ouvrage d’entretiens avec Billy Wilder en 1999.

Bande-annonce de "La Nuit du chasseur"