A l'occasion de la sortie de "Bonobos", AlloCiné s'est rendu au Congo à la rencontre de Claudine André et des pensionnaires de son sanctuaire dédié à la protection et la réintroduction de ces singes uniques à la RDC. Images. Reportage et dossier réalisés par Yoann Sardet
LilouTHEphoenix
Est ce que vous avez pu constater un changement dans le pays vis à vis des bonobos ?
Question de Tante_Yee
Existe-t-il un programme de volontariat à Lola ya Bonobo ?
Question de lilouTHEphoenix
Est ce que Mikeno est toujours en vie ?
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Il y a plus de vingt ans, vous avez radicalement changé de vie pour vous consacrer à la préservation des bonobos. Vous souvenez-vous du moment où vous avez pris cette décision ?
Claudine André : Rien ne m’avait préparée à cela. Je ne suis ni zoologiste ni biologiste. Le fait que mon père ait été vétérinaire explique sans doute ma proximité avec les animaux. Au moment des grandes émeutes qui ont ensanglanté Kinshasa, alors que nous errions tous dans la ville pour voir ce qu’il en restait, quelqu’un m’a fait part de la situation du zoo. J’ai poussé la porte et ma vie a basculé. Peut-être avais-je une dette de bonheur envers cette ville où j’avais passé toute ma vie ? C’était un moyen d’agir comme un autre. Très vite, le 9 décembre 1993, un marchand est venu déposer un petit bonobo quasiment mourant pour lequel il n’avait évidemment pas d’acheteur. Avec une amie, restée dans le pays elle aussi parce qu’elle travaillait à l’hôpital de Kinshasa, nous l’avons sauvé. L’attitude et le regard de ce petit bonobo et l’arrivée d’un deuxième, puis d’un troisième, m’ont incitée à commencer à chercher des renseignements sur cette espèce que je ne connaissais pas. Le directeur du zoo m’a tout de suite mise en garde en me prévenant que m’attacher était inutile puisque d’après son expérience, cet animal mourait toujours en captivité en RDC. Avec le sauvetage du zoo, celui des bonobos est devenu mon deuxième challenge. Même si les bonobos mouraient toujours en captivité, celui-ci vivrait ! Je l’ai baptisé du nom d’un volcan congolais dont j’avais fait l’ascension pourtant interdite. Il s’appelait Mikeno. Depuis, tous ont porté des noms de lieux de ce pays.
C’est le regard particulier des bonobos qui vous a fait réagir à leur sort ?
Je ne sais pas vraiment expliquer ma réaction, mais il y a chez les bonobos quelque chose dont je me sens proche : j’obtiens le plus souvent ce que je souhaite, mais rarement par l’affrontement. J’aime cette façon d’utiliser la diplomatie. Dans l’attitude des bonobos, dans leur comportement, il y a une perpétuelle recherche de négociation. Comme eux, je déteste les affrontements, je ne me mets jamais en colère et je cherche une solution négociée. C’est là qu’il est passionnant d’observer tout ce qu’ils ont à nous apprendre. Ce trait de caractère et la tendresse qui émane de cet animal m’ont sans doute touchée et motivée. Certains peuvent toujours essayer d’expliquer mon comportement par un désir de maternité, mais ayant moi-même cinq enfants et huit petits-enfants, j’étais déjà comblée !
Lorsque vous avez recueilli votre premier bonobo, vous n’imaginiez pas que les choses prendraient une telle ampleur. Comment en êtesvous arrivée à créer un sanctuaire ?
Le pays est immédiatement entré en période de guerre. Même si ce n’est pas le sujet direct, le sort des bonobos est lié au contexte politique du pays. Lorsque je m’efforçais de nourrir les pensionnaires du zoo en fouillant les poubelles des deux derniers hôtels et de l’unique magasin resté ouvert, je suis devenue la plus grande mendiante de la ville et cela m’a valu quelques rencontres. Des gens qui passaient, comme ceux de la World Society for the Protection of Animals (WSPA) qui venaient de temps en temps voir l’état de délabrement de ce zoo, ont un jour découvert les cages réparées. J’ai donc entamé une espèce de partenariat avec des gens qui me testaient, peut-être pour voir si, comme beaucoup, je n’allais pas me lasser et abandonner. J’ai rencontré Karl Ammann, un grand activiste contre le trafic de viande de brousse, qui m’a encouragée à créer un sanctuaire. Il m’a dit qu’il existait à travers l’Afrique Centrale, des hommes et des femmes qui avaient à peu près mon histoire et qui commençaient à en créer. La WSPA m’a aidée à avoir mon premier enclos électrique alors que la guerre de libération entre le Nord et le Sud battait son plein.
Vous avez depuis réussi à structurer un domaine bien plus grand…
A la fin de la guerre en 2001, j’ai trouvé un espace boisé de trente-cinq hectares qui est devenu Lola ya Bonobo - "le paradis des bonobos", un endroit où il n’y aura plus jamais ni faim, ni peur, ni soif. C’est une des mamans de substitution qui a prononcé ce nom alors qu’elle tenait dans les bras un bébé à qui on avait coupé de nombreux doigts pour en faire des grigris. Elle lui a simplement dit : "Tu es arrivé à Lola"-ton paradis- et le nom est resté.
Dès le départ, vous avez aussi décidé d’orienter votre action vers les enfants…
Je m’étais rendu compte que les banazoos, ces enfants de la rue qui vivaient dans le zoo, avaient perdu à notre contact ce manque d’éducation, et leur agressivité à l’égard des animaux. On ne leur avait jamais appris à aimer les animaux, empêchant donc tout moyen de les protéger. Après trois ou quatre semaines dans le zoo, ces banazoos me suivaient partout en me posant des millions de questions. Ils m’appelaient "Maman-jardin". C’est là que j’ai trouvé le slogan de mon association, "La conservation commence par l’éducation". Très vite, j’ai commencé à faire venir les enfants, à mettre une vieille télé dans un coin. L’ambassadeur américain de l’époque, devenu par la suite représentant spécial des États-Unis, m’a offert un espace dans l’école américaine qui avait cessé son activité, et m’a encouragée. Notre sanctuaire est ainsi devenu le premier des bonobos, et nous recevions déjà dix mille enfants par an.
Comment avez-vous réagi lorsque la guerre est revenue ?
Beaucoup de militaires ont envahi le biotope des bonobos, délimité par le fleuve Congo et la rivière Kasaï. Je me suis très vite rendu compte qu’il me fallait impliquer le ministère de l’Environnement, informer que Lola ya Bonobo était un espace où il était possible de placer les animaux confisqués et d’appliquer ainsi la loi. Au-delà des préjugés, il fallait faire savoir que nous étions bénévoles et que nous nous démenions pour faire connaître le plus possible cette espèce. Nous avons trouvé des appuis, j’ai multiplié les conférences et les interventions partout dans le monde pour lever les fonds nécessaires au fonctionnement du sanctuaire. Paradoxalement, le bonobo a gagné ses lettres de noblesse pendant une période où il était encore méconnu et plus que jamais menacé d’une disparition discrète. À cette époque, j’étais seule sur le terrain associatif, les gens n’avaient rien à faire et les écoles rien à montrer. J’ai utilisé ce créneau pour focaliser l’intérêt des Congolais sur une meilleure connaissance de l’espèce.
Vous avez été la première à organiser la réintroduction de vos pensionnaires dans leur milieu naturel…
J’ai toujours eu cette étape dans mon coeur, mais j’ai vu le Congo vivre dans la guerre pendant presque quinze ans, avec l’insécurité, le vide absolu en dehors de la capitale, et je me disais que relâcher les bonobos revenait à les envoyer à la mort. En 2000, nous avons créé la Pan African Sanctuary Alliance (PASA), une alliance des dix-huit sanctuaires panafricains. Nous avons pu nous rendre compte que nous faisions tous le même travail, presque de la même façon, et cette alliance nous a permis d’avancer au niveau du management, de l’éducation, de la santé surtout, car nous sommes maintenant entourés d’experts des grands singes. En 2005, nous étions proches de la saturation, surtout pour les chimpanzés. Nous avons donc dû prendre une décision drastique. Construire un sanctuaire coûte cher et symbolise toujours une forme de captivité auprès des donateurs, même si nous faisons un énorme travail de sensibilisation, de lobbying auprès de nos autorités nationales. Nous n’avions donc le choix qu’entre l’euthanasie ou la réintroduction. Nous nous sommes réunis pour une conférence avec tous les experts de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) afin d’attirer l’attention sur le fait que les divers programmes contre le trafic de viande de brousse ne fonctionnaient pas. On a beau dépenser des millions de dollars, donner des alternatives aux populations locales, elles font toujours le double business. On se bat contre la culture, la demande, la pauvreté, la facilité du trafic. Il a alors été décidé d’aider les sanctuaires à réintroduire leurs animaux. Les lignes directrices de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature en matière de réintroduction ont été terriblement renforcées et nous sommes soumis à une préparation et un suivi extrêmement scientifiques. Il y a un an et demi, nous avons donc procédé au premier relâcher mondial de bonobos. Le deuxième aura lieu le 13 février 2011.
Votre sanctuaire propose aussi un volet d’observation et de travaux d’études scientifiques. Pouvez-vous nous expliquer cela ?
Le bonobo supporte particulièrement mal la captivité, et l’observer dans son milieu quasi naturel est beaucoup plus intéressant. Dans ces grands enclos de forêt de treize à quinze hectares, les groupes évoluent dans un espace presque équivalent à celui de leur forêt d’origine. Les primatologues l’ont très
vite compris. J’ai donc commencé à établir des accords avec des universités comme Harvard, Duke, St Andrews, Kyoto ou l’Institut Max Planck, qui envoient des étudiants. Cela donne ainsi une dynamique aux étudiants congolais, qui s’intéressent du coup à l’éthologie et la biologie. On savait peu de choses sur les bonobos. J’ai été approchée par différentes sections de la science, l’éthologie, l’anthropologie ou l’étude de l’intelligence dans les universités. Des étudiants s’occupent aussi d’enregistrer leurs vocalises pour essayer de comprendre leur langage. Lorsque j’arrive à Lola ya Bonobo, les bonobos savent vraiment que c’est moi qui arrive et pas un groupe de visiteurs, car ils ont une vocalise très aiguë et un peu longue propre à ma présence. Lors d’une étude, l’université de St Andrews en Écosse a prouvé qu’un de nos
bonobos possède une vocalise précise pour "banane". Mais ils n’ont pas réussi à différencier "banane" de "C’est vraiment ce que je préfère". Le professeur Brian Hare est venu faire une étude comparative entre les chimpanzés et les bonobos. A l’époque, il travaillait pour l’Institut Max Planck et faisait des observations au zoo de Leipzig. Il a réalisé des tests avec les enfants. Ceux-ci ont obtenu 5 sur 10 pour tous les tests demandés. Les chimpanzés et les bonobos avaient 0. Il s’est rendu compte que les zoos et la captivité n’étaient pas le meilleur endroit ni la bonne façon d’étudier et de comparer l’intelligence des grands singes. Il a donc commencé à faire le même travail dans un sanctuaire pour les chimpanzés et m’a demandé s’il pouvait venir à Lola ya Bonobo, là où Béni a obtenu 9 sur 10 ! C’est pour cette raison qu’il est devenu un peu notre mascotte, qu’il figure sur le logo de Lola et qu’on a utilisé son nom pour le film.
Êtes-vous plus optimiste aujourd’hui quant à l’avenir des bonobos ?
Même si des élans positifs sont là, même si certaines organisations et les gouvernants s’investissent plus, je constate que sur le terrain, les choses ne changent pas beaucoup. On arrive à faire évoluer les mentalités à force de sensibilisation, mais c’est un travail de fourmi et rien n’est gagné. Dans un territoire de vingt mille hectares, nous avons remis un groupe de bonobos en liberté. Mais ces animaux sont en sursis et il est absolument nécessaire que la population riveraine comprenne notre travail et collabore avec nous, s’engage à être la gardienne des bonobos, en les considérant comme autre chose que de la viande. Sinon le relâcher ne sert strictement à rien. La paix a-t-elle arrangé les problèmes des tueries ?
Non. La démilitarisation du Congo a-t-elle entraîné un changement ? Non. Notre sanctuaire est en bout de la chaîne du trafic de viande de brousse, et le nombre d’arrivées d’orphelins reste le reflet de la réalité. Quand on en reçoit trois ou dix, c’est une progression algébrique malgré la paix, due simplement au retour des bateaux dans les zones de l’habitat du bonobo. La solution à long terme, c’est la volonté politique des dirigeants, le renforcement de la loi, mais c’est surtout la sensibilisation et l’éducation. Aujourd’hui, c’est actuellement mon espoir. Il ne faut pas trop compter sur les adultes. Je compte sur les enfants qui seront les décideurs de demain. Nous recevons aujourd’hui trente mille enfants chaque année, on leur explique, on essaie de leur donner une certaine fierté nationale, on titille un peu leur fibre
nationaliste -car ce sont des enfants de la guerre- en leur disant que le bonobo est 100 % congolais. Suis-je optimiste ? J’y suis obligée, mais j’ai l’impression de retenir un barrage avec mes mains et qu’un jour, les humains seront tellement nombreux qu’ils auront envahi la terre entière. Qui sait ? Peut-être alors viendra-t-on dans les sanctuaires voir les derniers grands singes encore libres.
Que représente le film "Bonobos" pour vous ?
Le tournage avec Alain Tixier a été un bonheur. C’est sans doute la seule fois où j’aurai l’occasion de participer à un projet de ce type et humainement, tout s’est remarquablement passé. Ce film est un des moyens d’agir et d’informer. J’espère qu’il m’aidera à expliquer et à sensibiliser. Je voudrais aussi que les médias français réalisent que c’est le seul grand singe francophone ! Je me suis beaucoup battue pour que mon projet soit appuyé par l’Union Européenne, mais elle n’a pas trouvé l’argent ! Et maintenant, mon projet de relâcher est soutenu par le gouvernement américain, des zoos américains et des fondations américaines ! C’est dommage. En France, Total, lors de l’achat de mon site, m’a donné un sérieux coup de pouce, et l’Agence française de Développement m’a bien aidée pour notre installation à Lola ya Bonobo. Depuis des années, la Fondation Brigitte Bardot nous soutient pour la nourriture des bonobos, et d’autres associations françaises (30 Millions d’Amis, SECAS, SPA) sont souvent venues à la
rescousse ! Sans oublier les membres de notre association Les Amis des Bonobos en Europe (ABE). J’espère que le film fera découvrir les bonobos et notre action et donnera envie aux gens de nous aider.
Que peut-on faire pour vous aider concrètement ?
Bien que belge, j’ai choisi de fonder en France l’association française Amis des Bonobos en Europe, que l’on peut trouver sur le site lolayabonobo.org. Nous aider, c’est nous faire confiance. Je travaille sans salaire depuis dix-sept ans et tous les membres de l’association sont bénévoles. Tout l’argent qui nous est confié va donc aux actions de conservation des bonobos et au fonctionnement de nos projets. Nous sommes transparents. Je l’ai toujours été.
Avec le recul, dans ce parcours atypique, quelle est votre plus grande satisfaction ?
Je crois que, grâce à cette aventure, les bonobos sont maintenant mieux connus. Connus dans leur pays -en partie seulement, mais surtout dans l’habitat du bonobo-, nous sommes tout le temps sur nos pirogues avec nos éducateurs. Lola ya Bonobo est devenu une fierté à Kinshasa. Tous ceux qui visitent la ville nous rendent visite. Les autorités congolaises sont fières de cet endroit. Plus personnellement, les bonobos ont transformé ma vie. Dès le début de cette aventure, beaucoup de futilités sont sorties de ma vie. Je me suis débarrassée de l’inutile. Les bonobos m’ont obligée à me démener, à m’adapter, mais ils
m’ont aussi apporté une grande sérénité, une vraie paix. J’ai donné une part de ma vie pour eux et je ne pourrai jamais le regretter. J’ai trouvé un but, parmi les autres, mais celui-là avait un regard et beaucoup de tendresse.
Propos extraits du dossier de presse du film "Bonobos"
A l'occasion de la sortie du film "Bonobos" le 30 mars, une grande opération virale est organisée sur Facebook pour sensibiliser le grand public à la menace qui pèse sur l'espèce. Ils comptent sur vous...
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