Jodorowsky's Dune est présenté à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes 2013. On le retrouve également aux festivals de Telluride, Toronto, Londres, Tokyo, Brighton, Sitges, Munich et aux Utopiales. Autant dire que le film a eu le temps de parcourir la planète de long en large.
Tiré du roman de Frank Herbert de 1965, qui est considéré comme l'un des plus grands classiques de la science-fiction avec les oeuvres d'Asimov, Dune est à l'origine une planète, qui, dans l'univers de science-fiction qui constitue le roman d'Herbert, est la seule à pouvoir fournir un étrange stimulant psychique au reste de la galaxie, appelé "Epice". C'est la denrée la plus recherchée du cosmos, et le roman raconte les pouvoirs qu'un jeune garçon acquerra grâce à celui-ci.
En 1975, Alejandro Jodorowsky, qui est déjà connu pour ses oeuvres cinématographiques métaphysiques (El Topo et La Montagne sacrée notamment), se lance dans un grand projet : adapter le livre de Herbert, Dune. Pour ce faire, il prévoit de faire participer Orson Welles, David Carradine, Mick Jagger et Salvador Dali, avec des décors réalisés par Moebius (alias Jean Giraud) et H.R. Giger, sur une musique des Pink Floyd et de Magma. Il veut également faire jouer son jeune fils, Brontis Jodorowsky, prêt à se lancer dans l'aventure. Malheureusement, le projet tourne court, faute de producteurs, et ce malgré l'implication folle de l'équipe pendant deux ans, incluant la création de costumes, du script et plus de 3000 storyboard déjà réalisés.
C'est finalement David Lynch qui récupère le projet en 1984, après que Ridley Scott l'ait abandonné pour Blade Runner. Le réalisateur de Sailor et Lula finira par renier le film dont il n'aura pas réussi à obtenir le final cut. Dune obtient pourtant un Oscar pour le Meilleur son mais son accueil est très mitigé. De plus, la superproduction monstrueuse de 45 millions de dollars ne rentre même pas dans ses frais et implique la suppression des deux sequels prévus par la production, que devait réaliser Lynch. Finalement, Frank Herbert dira avoir apprécié le film, fidèle à son roman.
Alors que l'adaptation de Dune par Jodorowsky est abandonnée, son équipe technique se dirige vers d'autres productions et réutilise des éléments initialement prévus pour le film du Chilien. Moebius et Giger vont travailler sur Alien, le storyboard est plagié pour Star Wars IV : un nouvel espoir et le projet en lui-même lance une mode du film de science-fiction qu'Hollywood n'avait jamais connu jusqu'alors.
Le film est par la suite adapté en jeu vidéo de deux volets, puis en série télévisée. En 2011, une relance du projet est faite par la Paramount, et une nouvelle version de Dune aurait dû voir le jour, d'abord réalisée par Peter Berg, puis Pierre Morel, mais encore une fois, l'adaptation est abandonnée.
Loin de présenter le film avorté comme un échec, Frank Pavich décida avec Jodorowsky de montrer à quel point son projet avait pu influencer toute une époque. Il revient à travers une série d'interviews sur la genèse de Dune, sur la poursuite d'un rêve que fut ce film. C'est avec les protagonistes même de cette aventure qu'il en discute, de Chris Foss à Gary Kurtz en passant par Jodorowsky et son fils. Seul Moebius manque à l'appel, décédé en 2012, avec lequel le cinéaste chilien avait travaillé, notamment sur la bande-dessinée "L'Incal". Refn (Drive) est par contre présent en tant qu'admirateur incontesté du réalisateur et participe à la reconstruction virtuelle de ce chef d'oeuvre invisible. Après tout, Frank Herbert n'a-t-il pas écrit dans "Les yeux d'Heisenberg", "Le changement est la seule loi universelle." Le projet ne pouvait et ne devait donc qu'évoluer au cours du temps, pour arriver jusqu'à ce documentaire retraçant l'une des plus grandes épopées cinématographiques de notre temps.