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    Box-office monde 2019 : Disney... et les autres
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Entre un début d'année très morose pour le Box Office international, le succès de Disney qui assèche la concurrence et connait une année faste, et les contre-performances de franchises, les 8 premiers mois de l'année sont riches d'enseignements.

    Si l'heure du bilan annuel du Box Office 2019 n'a pas encore sonnée, les six premiers mois de l'année ainsi que la saison estivale sont déjà riches d'enseignements. Entre les contre-performances de franchises, un recul global des ventes de tickets au début de l'année, et l'insolent succès du rouleau compresseur Disney, qui confirme son archi domination sur ses concurrents en ayant réussi à créer avec la sortie de ses films des rendez-vous impossible à manquer pour le grand public, c'est peu dire que le Box Office joue à se faire peur depuis le début de l'année, sur fond de guerre imminente entre les plateformes de VOD.

    Sur les six premiers mois de l'année, le Box Office international enregistre une baisse de 6% des ventes de tickets par rapport à 2018. Si les spectateurs ont dépensé près de 19 milliards $ au cours de la même période, le chiffre est en recul de 1,2 milliards $ par rapport à 2018. Aux Etats-Unis, les revenus générés par les ventes de tickets ont chuté de 9,4%, pour rapporter 5,6 milliards $ durant le premier semestre. Le nombre de tickets vendus sur ce même territoire et pour la même période a aussi fondu de manière significative par rapport à l'année précédente, soit 8%, pour atteindre 623,6 millions, selon les chiffres de Box Office Mojo. Rien que pour le premier trimestre, les recettes du Box Office US ont fondues de 12,4% par rapport à la même période en 2018.

    Avengers Endgame, un succès en trompe l'oeil ?

    Traditionnellement, la saison estivale pour les Majors courrait du premier vendredi du mois de mai jusqu'au week end du Labor Day, un jour férié aux Etats-Unis, qui a lieu au tout début septembre. Mais cette année encore, comme les précédentes, les hostilités ont débuté dès le dernier week end du mois d'avril, avec la mise sur orbite d'un film majeur issu du catalogue Disney / Marvel : Avengers Endgame. La question n'était évidemment pas de savoir si le film allait surperformer en tutoyant les cimes du Box Office planétaire, mais de combien, et en combien de temps.

    La réponse, au terme de cinq jours d'exploitation à peine, a eu la vigueur d'un uppercut, avec plus de 1,2 milliards $ de recettes au BO mondial. Soit presque le double du précédent record établi par Avengers : Infinity War et ses 640,5 millions $. C'est le film le plus rapide à avoir dépassé la barre du milliard au BO mondial. Avec plus de 6,93 millions de spectateurs en France, le film est le plus gros succès jamais enregistré pour un film du Marvel Cinematic Universe. Au-delà de ses nombreux autres records au BO (dont nous vous faisions d'ailleurs la liste ici), Avengers Endgame s'est payé le luxe en juillet dernier, et à la faveur d'une ressortie en salle, de passer devant Avatar en devenant le plus gros succès de l'Histoire du Box Office mondial, (hors prise en compte de l'inflation cela dit), en amassant 2,790 milliards $ de recettes.

    En face, tandis qu'Avengers : Endgame a continué de surperformer, la concurrence a eu logiquement du mal à exister, avec une série de suites et reboots de franchises qui ont été des contre-performances au Box Office US face aux prévisions attendues. Godzilla 2 : roi des monstres, Comme des bêtes 2, Dark Phoenix, et plus encore Men in Black : International ont échoué à s'attirer les bonnes grâces des spectateurs. Le spin Off de la franchise Men In Black par exemple, emmené par le tandem Chris Hemsworth et Tessa Thompson, a ainsi fait aux Etats-Unis le plus faible démarrage de la saga lors de son premier week end d'exploitation, avec à peine 30 millions $. Là où X-Men : Dark Phoenix a vu sa fréquentation s'effondrer de plus de 71% dès sa seconde semaine d'exploitation aux USA, Comme des bêtes 2 a démarré avec 46,6 millions $, soit moins de la moitié du démarrage canon du premier volet en 2016, qui avait récolté plus de 104 millions $. Comme souvent, des contre-performances locales parfois sensiblement atténuées par des résultats à l'international meilleurs que le marché domestique, comme les 186 millions $ récoltés par X-Men : Dark Phoenix, là où le film terminera poussivement sa carrière aux Etats-Unis en ramassant 65 millions.

    Certains investisseurs, affolés, ont commencé à ce moment là à parler de "franchises fatiguées" pour expliquer ces échecs. Un argument très court, alors même que John Wick 3 : Parabellum s'est offert un beau succès en devenant le 9e film du Top 10 des films ayant le mieux fonctionné sur le marché domestique, avec 171 millions $ au compteur (et 321 millions $ au BO mondial). Que dire des films milliardaires que sont Toy Story 4 (1,05 milliards $) et la version live d'Aladdin (1,04 milliards $), eux aussi franchisés ? Impossible également de passer sous silence l'éclatante performance de Spider-Man : far From Home. Sorti début juillet et bénéficiant d'un appel d'air créé par Avengers : Endgame, le film de Sony est devenu le plus gros succès de la franchise tissée autour de l'homme araignée, avec 1,12 milliards $ au compteur. Il est même le plus gros succès du studio, devant Skyfall (1,108 milliards $) ou encore Jumanji : Bienvenue dans la jungle (962,1 millions $). Au Box Office international, il se classe 7e du Top 10 des plus gros succès de films de super-héros. De quoi largement redonner le sourire à la Major et effacer la contre-performance de MIB : International.

    "C'est étonnant de mesurer à quel point nous avons une vision à court terme. Il y a certes eu quelques films issus de franchises qui ont sous performé [...]. En réalité, c'est contrasté, et pas une tendance" explique Paul Dergarabedian, Data Analyst Senior au sein de la société spécialisée Comscore et interrogé par le site Screen Daily"Tout est une question de qualité. Lorsqu'une franchise n'imprime pas [NDR : auprès du grand public], ca arrive en raison d'un mauvais plan marketing, ou bien en raison de mauvaises critiques. Avec l'éventail de choix qu'ils ont désormais, les spectateurs deviennent plus sélectifs. S'ils doivent passer du temps et dépenser de l'argent dans les salles de cinéma, il y a intérêt à ce que les films qu'ils vont voir soient au moins aussi bien que ce qu'ils peuvent regarder dans leurs salons sur leurs petits écrans avec leurs abonnements mensuels" précise le même intéressé au site spécialisé Fortune, dans un article paru fin juillet 2019.

    Quid des résultats au Box Office international ? Le constat est presque le même que le marché domestique américain : un triomphe absolu des licences Disney, qui s'arroge cinq places du Top 10. Toutefois, il est révélateur de constater que deux productions chinoises font partie de ce classement, à la 8e et 9e place. Il s'agit respectivement d'un film d'animation intitulé Ne Zha, basé sur la légende du roi singe, qui a ramassé plus de 723 millions $ presque exclusivement en Chine. Quant au 9e film du classement, c'est l'épopée SF chinoise The Wandering Earth (dont Netflix a acheté les droits)  qui a moissonné la quasi totalité de ses 692 millions $ sur le seul territoire chinois. C'est dire le poids du marché de l'Empire du Milieu, qui a vocation à grandir davantage encore...

    Ci-dessous, le classement du top 10 du Box Office international :

    RangTitreRecettes BO mondial (en $)Recettes marché USA (en $)Recettes à l'international (en $)
    1Avengers Endgame2,796,274,401858,373,0001,937,100,000
    2Le Roi lion1,628,248,947538,422,6621,089,826,285
    3Spider-Man : Far From Home1,128,928,785389,862,963739,065,822
    4Captain Marvel1,126,129,839426,829,839699,300,000
    5Toy Story 41,057,099,477432,830,800624,268,677
    6Aladdin1,037,795,853355,295,853682,500,000
    7Hobbs & Shaw759,675,124171,056,465588,618,659
    8Ne Zha Zhi Mo Tong Jiang Shi723,768,1893,553,176720,215,013
    9Liu Lang Di Qiu (The Wandering Earth)692,163,684692,163,684
    10Dragon 3 : le monde caché519,235,419160,799,505358,435,914

    Disney se taille la part du lion

    En l'espace de sept mois, les studios Disney ont déjà battu leur record de recettes au box-office mondial sur une année entière. Cette performance hallucinante a été enterinée par les résultats au Box Office du Roi lion. Le film de Jon Favreau est devenu le plus gros succès mondial pour une production Disney, hors Star Wars et Marvel dont le studio a acquis les droits après leurs débuts sur grand écran. Sorti au mois de juillet, le long métrage cumule aujourd'hui 1,62 milliards $ de recettes. Avec plus de 9,4 millions de spectateurs, il est d'ailleurs le plus gros succès de l'année au Box Office hexagonal, devant un certain... Avengers Endgame.

    A date, l'empire de Mickey a aligné depuis le début de l'année pas moins de cinq films milliardaires. Fin juillet, la firme cumulait déjà dans sa besace 7,67 milliards $, dépassant un précédent record déjà établi par la société en 2016, où elle avait récolté la mirobolante somme de 7,61 milliards $, comme le soulignait le Hollywood Reporter. Et même s'il faut mettre à son actif la contre-performance de la version live de Dumbo (353 millions $ au compteur), la machine à cash Disney écrase tout sur son passage. En attendant les prochains coups de boutoir avec les cartons programmés de La Reine des neiges 2, attendu en novembre, et Star Wars : l'ascension de Skywalker, prévu pour décembre. Il suffit de jeter un coup d'oeil au Top 10 domestique américain des plus gros succès de l'année 2019, où la firme s'arroge la moitié des places, dont les quatre premières :

    RangFilmDistributeurRecettes domestiques (en millions $)Billets vendus aux USA (en millions)
    1Avengers EndgameWalt Disney858,373,00094,223,161
    2Le Roi lionWalt Disney537,698,09259,022,842
    3Toy Story 4Walt Disney432,752,83147,503,054
    4Captain MarvelWalt Disney426,829,83946,852,891
    5Spider-Man : Far From HomeSony Pictures389,751,77142,782,850
    6AladdinWalt Disney355,258,91238,996,587
    7Ca - Chapitre 2Warner Bros.178,927,04119,640,728
    8UsUniversal175,005,93019,210,420
    9John Wick ParabellumLionsgate171,015,68718,772,303
    10Hobbs & ShawUniversal170,609,95018,727,766

    Depuis le rachat de la Twentieth Century Fox et son catalogue, les parts de Disney sont montées à 36,7% sur le marché domestique américain en 2019, là où Warner Bros doit par exemple "se contenter" de 15,3% et Universal 14,1%. Ces deux principaux rivaux courrent derrière Mickey, mais n'arrivent même pas à atteindre la moitié de ses revenus, cumulant respectivement et actuellement 1,123 milliards et 1,114 milliards de dollars de recettes au Box Office domestique avec leurs lines up...

    "Disney a aligné une rangée de tueurs entre le final d'Avengers et le final de Star Wars et les suites de leurs deux plus grandes franchises animées, et ils sont toujours dans l'âge d'or des remakes avec Aladdin et Le Roi lion" expliquait en juillet dernier un exécutif d'un studio rival au site américain BuzzFeed News, qui publiait un passionnant papier au titre on ne peut plus éloquent : Disney Won. Now What ? "Pourquoi les spectateurs ne vont-ils plus voir que des films Disney ?" s'interroge Variety

    C'est qu'avec un sens diabolique du timing, la firme aux grandes oreilles dament les pions de ses adversaires en plaçant stratégiquement -scientifiquement même oserait-on dire- ses films à des dates de sorties ultra prisées, comme le week end précédant le Labor Day, la période de Thanksgiving, et bien entendu celle juste avant Noël. En sécurisant ces corridors de sorties pour ses méga franchises, Disney force la main aux studios concurrents qui se retrouvent devant un casse-tête pour trouver une date de sortie pour leurs productions. " Ils ont un film sur toutes les meilleures dates de sorties. Vous seriez fous si vous mettiez un gros film contre eux. C'est déjà assez dur de faire un bon film. Maintenant, on ne peut même plus trouver le bon moment pour le sortir" lâche d'ailleurs au Hollywood Reporter Jeff Blake, ancien vice-président de Sony Pictures. Ambiance...

    Jouer la carte de la contre-programmation

    Plutôt que d'affronter Mickey sur son terrain miné, les studios concurrents font désormais le pari à la fois sur des productions aux budgets moins élevées qu'avant, adressées à des spectateurs bien ciblés, et jouent à fond la carte de la contre-programmation de films que Disney ne se risque de toute façon pas à produire vu son positionnement actuel.

    C'est par exemple dans cet intérêt bien compris que Universal a produit et distribué le thriller d'épouvante Us, signé Jordan Peele : produit pour une paille de 20 millions $, il a rapporté plus de 175 millions $ sur le sol américain, et 255 millions $ dans le monde. Contre-programmation aussi pour la même Major avec le joli succès de Yesterday, réalisé pour 26 millions $ par Danny Boyle. Aligné face à Toy Story 4, il est parvenu à se hisser sur la 3e marche du podium américain à sa sortie fin juin. Des lancements stratégiques pour le studio, qui n'a toutefois pas hésité à sortir son rouleau compresseur estival avec le spin off Hobbs & Shaw, moissonnant pour l'heure plus de 750 millions $ dans le monde. Il est d'ailleurs intéressant de noter que, sur le seul marché chinois, le film a récolté plus de 200 millions $. Le pays de Xi Jinping aime décidément beaucoup les voitures tunés de la saga : pour rappel, Fast & Furious 8 fut un succès colossal là-bas, avec 392 millions $.

    A côté de sa martingale qu'est la franchise Spider-Man sortie le 3 juillet, Sony n'a pas hésité à jouer aussi la contre-programmation le même mois -dopée il est vrai par une campagne marketing efficace et habile- pour Once Upon a Time... in Hollywood, aligné face au Roi lion de Disney, qui en était alors à sa seconde semaine d'exploitation. Bénéficiant d'un excellent bouche-à-oreille, le nouveau film de Tarantino a fait un impressionnant démarrage en récoltant 41 millions $ à sa sortie, le 27 juillet. C'est d'ailleurs le meilleur démarrage au Box Office US pour le cinéaste, y compris en France, comme nous l'expliquions ici.

    Contre-programmation aussi du côté de Warner, qui a sorti de sa manche fin juin Annabelle - La maison du mal. Parvenant à se hisser sur la seconde marche du podium du BO US hebdomadaire face au mastodonte Toy Story 4, il a pu récolter 76 millions $ au BO mondial en 5 jours. La stratégie du positionnement alternatif des films face à Disney fonctionne, donc. Quoi que ce constat n'est évidemment pas définitif, car là aussi, les cartes pourraient être rebattues à l'avenir par Disney : tout va dépendre de la latitude dont va bénéficier la Fox dans la production de films visant un public adulte.

    Si la firme de Mickey "est dans l'âge d'or des remakes", pour reprendre la formule d'un Executive d'un studio rival cité dans le papier analytique de Buzzfeed News, le studio risque aussi de se cannibaliser et se retrouver en manque de classiques de l'animation faisant l'objet de remakes générant d'énormes profits, car les annonces et mises en chantier se font sur un rythme absolument frénétique. Certes, il reste dans le panier garni de Mickey les licences Star Wars et Marvel, mais tout de même.

    L'an dernier, l'industrie du cinéma célébrait une année 2018 record avec 41 milliards $ de recettes -dont 11,9 milliards pour les Etats-Unis-, qui avait d'ailleurs été aidée par les performances mondiales de Black Panther et Avengers : Infinity War. En sera-t-il de même pour 2019 ? Une hypothèse parfaitement réalisable, après un début d'année qui ne s'annoncait pourtant pas sous les meilleures auspices. A suivre...

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