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    Avec Bodyguard, le Royaume-Uni reprend en main le marché de la série politique

    Genre prolifique, la série politique fait les beaux jours des chaînes de télévision du monde entier. Mais c’est le Royaume-Uni qui nous offre les shows les plus incisifs et intelligents, en témoigne la nouvelle sensation Bodyguard.

    Reine mère des thrillers sériels d’espionnage modernes, 24 heures chrono, lancée deux mois après les attentats du 11 septembre 2001, a ouvert la voie à un nouveau genre de shows politiques en comblant le vide laissé par la culte À la Maison Blanche. Rythmées, brillantes et percutantes, les séries de ce genre respectent des nouveaux codes établis autant pour tenir en haleine les spectateurs que pour les faire réfléchir. Depuis le début du millénaire, de très bonnes séries américaines ont émergé de ce genre maintenant rodé, mais il y a un pays qui s’est fait une place en or sur ce marché : le Royaume-Uni.

    Bénéficiant d’un service public télévisuel de qualité, les productions anglaises arrivent toujours à tirer leur épingle du jeu et à offrir aux spectateurs des thrillers politiques de haute volée, de House of Cards (l'originale) à Secret State, en passant par Jeux de pouvoir, The Thick of It, Le mari de la ministre ou encore Fearless. Avec la question terroriste, les séries politiques ont pris un autre tournant et nos voisins d’Outre-Manche ont réussi le pari de traiter cette problématique avec justesse. Bodyguard, la dernière production en date, ne fait pas exception.

    Une perte de vitesse aux États-Unis

    Difficile de passer après 24 heures chrono, dont la renommée n’est plus à faire. Il faudra attendre 10 ans avant de voir sa digne héritière Homeland, remake de la série israélienne Hatufim, pointer le bout de son nez et remporter tous les suffrages. La CIA est enfin décortiquée par le prisme de la menace d’un ennemi intérieur intéressant. La machine est-elle alors relancée ? Oui, mais sans pour autant remporter la partie. La plateforme Netflix se lance dans la production de séries originales et offre la truculente House of Cards, remake de la série anglaise (tiens donc).

    Kata Vermes/SHOWTIME

    Alors que la série est terminée depuis la mise en ligne des derniers épisodes début novembre, Frank et Claire Underwood ont toujours été plébiscités malgré une dernière saison qui laisse un goût d'inachevé. Autre récupération américaine d’une série britannique, Strike Back devenue l’ombre d’elle-même depuis qu’elle a traversé l’Atlantique. Ces dernières années, les séries politiques américaines manquent cruellement de remise en question et d’esprit critique. S'appuyant toujours plus sur un patriotisme grossier, ne mettant en scène que des héros masculins et faisant des musulmans les seuls ennemis du territoire, elles s’enfoncent dans des schémas scénaristiques ennuyeux et prévisibles.

    Seule Homeland (dont la huitième saison sera la dernière) réussit de temps à autre à surprendre. Elle arrive à son terme après avoir tourné en rond. Le retour de 24 heures chrono fut un échec complet et les petites nouvelles ne sont pas convaincantes, Jack Ryan frôle le ridicule quand The Looming Tower manque de rythme. Il est de bon ton de dire qu’il est difficile d’écrire une série politique intéressante sous la présidence de Donald Trump et pourtant les Britanniques sont gouvernés par Theresa May et son Brexit semeur de trouble. Rien de très réjouissant à l’horizon non plus mais le défi est relevé et réussi de leur côté.

    La patte british

    Les Britanniques sont les rois du polar et du thriller, le service public (BBC et ses chaînes sœurs) a offert un éventail riche de séries d’un genre en perpétuelle évolution. Quelles soient dystopiques, plus intimistes ou à portée nationale, voire internationale, les séries politiques anglaises peuvent se targuer de traiter du sujet du terrorisme avec justesse. Contrairement à ses consœurs américaines, trop bourrues, qui frôlent l’excès de patriotisme, les séries politiques made in Great Britain portent toujours un regard critique sur sa politique intérieure en évitant les clichés et les poncifs.

    World Productions/Netflix

    Les clés du succès ? Un décor pluvieux et sombre, typique du charme britannique, une atmosphère tendue et un rythme soutenu, des personnages à poigne étoffés - qu’ils soient féminins ou masculins - et une intrigue intelligente maintenue par des ficelles efficaces. Ainsi, les spectateurs ont eu droit aux brillantes Fearless, menée par Helen McRory (la géniale tante Polly dans Peaky Blinders), The City and the city (avec un David Morrissey au top), The State (tellement incisive et détaillée qu’elle a été accusée de "glamouriser" le djihadisme) et à Bodyguard cette année avec le duo convaincant Richard Madden et Keeley Hawes.

    Parce que rien n’est parfait dans le monde des séries, les shows britanniques n’évitent pas quelques exagérations et traits forcés mais ces derniers servent le rythme. Bien qu’une part du réel soit importante dans une série politique, le public cherche aussi de l’action, de la manipulation et des rebondissements. Et c’est ce savant mélange qu’arrivent à construire les séries politiques. Interrogé par AlloCiné, le showrunner de Bodyguard l’a bien compris durant le processus d’écriture intense : "Je voyais le monde qui continuait d’évoluer, de bouger, au fur et à mesure que j’écrivais. Et toute la partie recherches sur l’univers de la protection, de la police, du terrorisme, ça m’a passionné".

    Autre point fort des séries britanniques : leur format court – 6 épisodes en moyenne – , bien loin de la vingtaine d’épisodes des séries américaines. Jed Mercurio est d’ailleurs très satisfait de ce format standard : "Ça permet d’éviter des longueurs inutiles. Et dans le cas de Bodyguard, ça m’a aussi permis d’oser beaucoup plus de choses et d’y aller plus à fond narrativement parlant." Ce qui est dommage, c’est que les séries politiques britanniques de qualité ont du mal à franchir les frontières. Bodyguard a eu la chance d’être repérée par Netflix et mise à disposition sur la plateforme américaine, montrant ainsi une nouvelle fois le vide à combler par les États-Unis.

    Et en France ?

    TOP THE OLIGARCHS PRODUCTIONS / CANAL+

    De son côté, la France suit un schéma plus classique en s’intéressant aux mécanismes du pouvoir : Les Hommes de l’OmbreL’École du pouvoir et Baron Noir, portée par un excellent Kad Merad, sortent du lot. Au milieu de tout ça, la série Marseille de Netflix s’est embourbée dans le sensationnalisme avec un scénario et un casting qui ont eu du mal à convaincre. Autre stratégie payante dans l’Hexagone pour une bonne série politique : revenir sur des affaires passées et des anciennes politiques avec des mini-séries, des série-documentaires ou des unitaires. Si certaines sont très fournies, elles manquent pourtant d’un peu de piquant.

    En France, les productions sont un peu plus frileuses à aborder le sujet du terrorisme, le pays ayant été touché par de nombreux attentats et ceux du 13 novembre raisonnant encore douloureusement dans les esprits et les cœurs des citoyens. Pourtant, les créations originales Canal+, Le Bureau des Légendes, avec Mathieu Kassovitz, et Engrenages, réussissent à intégrer ces paramètres intelligemment sans pour autant nommer les faits historiques dans l’intrigue. Et les deux séries sont les seules qui sortent des sentiers battus et qui remportent un succès public et critique. Un nouveau souffle pourrait venir des nouvelles plateformes, à défaut des chaînes traditionnelles. Reste à savoir si elles se lanceront sur l’échiquier politique. Mais, d'après les premiers échos, ce ne sera sûrement pas Deutsch-les-Landes, première série française d’Amazon qui redressera le niveau.

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