Série danoise majeure initiée il y a une dizaine d’années, BORGEN n’a rien perdu de son actualité, cela grâce à un scénario abordant des sujets toujours dans l’air du temps, tels que la place de la femme dans le milieu du pouvoir.
BORGEN (qui signifie « le Château », c’est l’équivalent danois de Matignon) raconte l’ascension d’une femme politique, Birgitte Nyborg, leader du Parti Centriste qui prend à la surprise générale la tête des votes pour le poste de Premier Ministre. Il faut dire qu'à sa droite, le Premier Ministre sortant a été pris en flagrant délit de détournement d'argent public, et à sa gauche, le candidat du Parti Travailliste est un démagogue aux méthodes inélégantes...
Passionner le public (étranger de surcroît) avec la politique dans un petit pays comme le Danemark était une gageure. Et pourtant, ça marche ! Tout en découvrant ce qui fait la spécificité du système danois, le spectateur retrouve dans les luttes pour le pouvoir et les thématiques traitées une valeur universelle au même titre que dans les séries politiques françaises ou américaines (dans le genre, j’avais beaucoup aimé la série de Canal + BARON NOIR). Chaque épisode permet d’évoquer un sujet différent, social, économique, écologique… de la délinquance juvénile à la prostitution, de la politique extérieure au respect de la vie privée.
C’est une fine réflexion sur l’art de gouverner, mais comme dans toute série qui se respecte, les enjeux ne sont évidemment pas seulement politiques, mais aussi sentimentaux, et on a là une galerie de personnages nuancés, incarnés par un casting attachant.
Birgitte Nyborg, interprétée par la charismatique Sidse Babett Knudsen (actrice francophile vue notamment dans LA FILLE DE BREST, L’HERMINE et LES TRADUCTEURS), est taillée pour le pouvoir : pourvue d’une autorité naturelle, éloquente, dure en affaire, mais progressiste et droite dans ses bottes tout en étant parfois égoïste ou en proie au doute, ce qui la rend humaine et sympathique. C’est d’ailleurs un de ses motifs récurrents que d’essayer d’être irréprochable sur le plan éthique, un idéalisme qui bien sûr n’est pas toujours compatible avec la réalité… À l’époque où la série a été initiée, il n’y avait pas encore eu de femme Premier Ministre au Danemark. Elle fut en avance sur son temps, car depuis il y a eu deux femmes à la tête du pays (dont la cheffe de gouvernement actuelle). La série s’attache à présenter des personnages de femmes puissantes (le distributeur français a même cru utile de préciser en sous-titre « Une femme au pouvoir »), des femmes confrontées à un environnement masculin parfois hostile, mais qui malgré tout s’imposent naturellement dans les fonctions dirigeantes. Autour de Birgitte, il y a d’autres femmes politiques, mais l’autre personnage féminin central se trouve du côté du contre-pouvoir : Katrine Fønsmark (Birgitte Hjort Sørensen), jeune journaliste passionnée qui met la barre haut (dans son appartement, on voit l’affiche du film LES HOMMES DU PRÉSIDENT !). Sa relation étroite avec Kasper Juul, le spin doctor (conseiller en communication) de Nyborg, lui est autant un atout qu’un handicap en fonction de l’évolution de leurs rapports, très volcaniques.
Une série très girl power, donc, mais qui développe aussi des personnages masculins attachants, ambigus, charismatiques, infects – mais qu’on adore détester – ou parfois aussi vulnérables (ils seraient trop long de les lister même si j’ai envie d’en parler aussi !). L’un des points forts de la série est d’aller à l’encontre des schémas traditionnels, notamment avec le personnage du mari de Birgitte.
Après deux saisons passées à brosser le portrait des personnages dans un contexte donné (le mandat de Birgitte Nyborg), la série rebat les cartes dans la saison 3 en mettant l’héroïne dans l’opposition, ce qui occasionne l’apparition de nouveaux personnages et du mouvement dans le statut des personnages récurrents.
Passionnante de bout en bout, la série peut se résumer par cette citation d’Abraham Lincoln qui ouvre le dernier épisode : « Presque tous les hommes peuvent faire face à l'adversité. Si vous voulez éprouver le caractère d'un homme, donnez-lui le pouvoir » !
Marche aussi au féminin !