Lorsque j'ai appris que Bruce Willis mettait un terme à sa carrière, non pour se la couler douce, mais à cause d'une maladie qui ressemble à un mauvais scénario de mauvais film, j'ai eu un vrai coup de blues. Ce n'était néanmoins, pas tant en raison de sa filmographie (brillante et inégale), qu’à cause de cette série (culte), qui me ramenait 35 ans en arrière, alors qu’adolescente, j'allais avoir, (à l’instar de pas mal de filles de ma génération), un "crush" mémorable pour un acteur trentenaire débutant...
Je me suis alors replongée, « in memoriam », dans les épisodes de la série. Bruce Willis y incarne un détective privé (David Addison), à la virilité bousculée, macho, version 2nd degré, un peu lourd. Il y est aussi irrésistible (drôle, séduisant, désinvolte, hédoniste, virevoltant, sexy en diable, émouvant, etc..). Le duo qu'il forme avec Cybill Shepherd (Maddie Hayes, ancienne mannequin, propriétaire de l’agence de détective où officie David) est glamour, électrique, magnétique, épique et je crois avoir rarement vu une telle alchimie entre 2 acteurs, au cours des 3 premières saisons. Le féminisme de Maddie, s'il prend souvent des allures furibardes, reste d'une actualité intéressante et réserve quelques excellents dialogues. Seule faux-pas de son côté : certaines tenues, dont on se demande pourquoi elle les empruntait, à la garde-robe de sa mère : quel dommage de massacrer ainsi la silhouette d’une femme, si manifestement belle.
La production est ambitieuse (coûteuse et léchée), le résultat souvent très réussi, sachant que tous les épisodes et saisons ne se valent pas. Les trames policières, qui ne sont là que pour alimenter la dynamique (explosive) entre les 2 héros, sont globalement bien troussées.
Les nouvelles générations jugeront la série datée, voire sans doute problématique, mais j'avoue que ce sont presque les séries actuelles qui me paraissent lourdes, à côté de ce petit bijou de loufoquerie et de créativité scénaristique et visuelle, dont les clins d'oeil aux comédies américaines des années 30 & 40, à Hitchcok, aux spectateurs (explosion du 4ème mur) et les logorrhées interminables, sont aussi rafraîchissants que spirituels. S’inspirant – de manière jubilatoire – de tout ce qu’Hollywood a produit au cours des décennies précédentes, j’ai même parfois pensé à Tex Avery en voyant le personnage incarné par Bruce Willis !
Mais entrons un peu dans le détail.
- Saisons 1 et 2 : légères comme des bulles de champagne, à consommer sans modération. Mon top 2 (subjectif) : S2 ep4 : MAGNIFIQUE hommage au film noir introduit par Orson Welles himself, S2 ep15 : premier baiser entre les 2 héros dans un épisode drolatiquement morbide (ou l’inverse).
- Saison 3 : l’ensemble reste amusant et la tension sexuelle entre les 2 héros monte d’un cran, mais un glissement s’opère vers une tonalité plus psychologique, presque mélancolique parfois et ce n’est pas un hasard si on va dès lors, considérer Clair de Lune comme une des premières comédies dramatiques de la TV (dramedy). Quelques excellents épisodes dominent : introduction de l’épisode 3 (avec les Temptations), ep6 (chorégraphie de Stanley Donen), ep7 (hommage à Shakespeare), ep8 (« la vie est belle » version Maddie ou Capra inversé), ep13 & 14 (climax de la relation entre les 2 héros, ne pas manquer les 10 dernières minutes hypnotiques de l’épisode 14).
- Saison 4 : si on retrouve la fantaisie créatrice des auteurs dans plusieurs épisodes (1, 2, 5, 6 et 7 par exemple), la relation entre les 2 héros devient assez triste : « elle » le désire, l’aime peut-être, mais ne se voit pas faire sa vie avec lui. « Lui » l’aime passionnément, mais est impuissant, face aux atermoiements d’une belle, qui devient de plus en plus incompréhensible. Cybill Shepherd, enceinte, est en réalité absente une bonne partie de la saison et la « trouvaille » des producteurs, pour pallier son absence, est plutôt ratée. C’est donc un Bruce Willis abandonné qui porte la série. Que dire ? Il est très émouvant et joue fort bien les amoureux transis, mais, c’est clairement le début de la fin.
- Saison 5 : Inutile et datée (très 80's pour le coup). Hors caméra, Shepherd et Willis se détestent, tuant l’alchimie qui existait entre leurs deux personnages, dont les disputes (ressort comique et romantique pendant les 3 premières saisons) deviennent d'embarrassantes batailles de chiffonniers fâchés, retransmises à la TV, pour le plus grand embarras de tous. Willis, fort de son premier succès cinématographique (Die Hard), cabotine à l’excès. Dommage, car les 2 premiers épisodes sont réussis et le final (ep13), un feu d'artifice pyromane, unique en son genre.
En conclusion, Clair de Lune est-elle encore une série culte plus de 35 ans après sa première diffusion? Je ne suis sans doute pas vraiment objective ("cruch" et nostalgie obligent), mais il me semble que si on prend le temps de les regarder, Maddie Hayes et David Addison forment, encore aujourd’hui, un couple mythique, comme deux aimants irréconciliables, dont les chemins se croisent et se défont dans une série, qui après l’avoir revue, me parait demeurer une des plus créatives de l’histoire de la télévision.