Pour comprendre cette série, le spectateur doit bénéficier de deux prérequis :
[01] Ne surtout pas croire que les films d’horreur, d’épouvante et d’angoisse doivent forcément posséder un rythme soutenu ni montrer constamment des monstres, des viscères, des tripes et beaucoup de sang. Les chefs d’œuvres du genre, comme « Rosemary’s Baby » (de Roman Polanski – 1968- sur le roman d’Ira Levin) ou « Shining » (de Stanley Kubrick -1980- sur le roman de Stephen King), sont des filmes lents où l’on ne voit presque jamais des monstres ni du sang. Quelques apparitions des morts abîmés et c’est tout.
D’ailleurs, Mike Flanagan, le réalisateur ce cette série, met en valeur les mêmes ressources cinématographiques des films mentionnés ci-dessus, sans doute comme l’un parmi des dizaines de clins d’œil qu’il adresse aux connaisseurs.
[02] Il faut, indéniablement, connaître l’œuvre de Edgar Allan Poe, un écrivain génial dont les écrits créèrent les fondements de la littérature fantastique, d’horreur et policière du XX siècle. Sans lui, des écrivains comme Stephan King ou Maxime Chattam n’existeraient pas. Et des détectives comme Sherlock Holmes et Hercule Poirot non plus. En effet, l’ancêtre de tous les détectives modernes, fut le personnage d’Auguste Dupin (« Double Assassinat dans la Rue Morgue », 1841) auquel Conan Doyle fait référence dans le premier de ses romans, quand il créa Sherlock Holmes.
LE GENIE DE MIKE FLANAGAN
Le créateur de cette série parvient à réaliser plusieurs tours de force et prouesses scénaristiques.
[01] Raconter une histoire contemporaine concernant des laboratoires pharmaceutiques sans scrupules, qui inondent le marché des pilules provoquant accoutumance et des effets secondaires pouvant aller jusqu’à la mort, tout en partant de l’histoire racontée par Poe dans « La Chute de la Maison Uscher » et en gardant les noms imaginés par lui. Même Auguste Dupin, le détective de l’écrivain, apparaît dans le personnage du procureur qui poursuit Roderick.
[02] Inclure de manière époustouflante dans cette histoire contemporaine, sept autres nouvelles de Poe : « Le Masque de la Mort Rouge », « L’Assassinat dans la Rue Morgue », « Le Chat Noir », « Le Cœur Révélateur », « Le Scarabée d’Or », « Le Puit et le Pendule » et, bien sûr, le poème qui identifie Edgar Allan Poe universellement : « Le Corbeau ». Le tout avec une cohérence certaine.
[03] Modifier les visions extralucides des personnages de Poe (du domaine complètement fantastique), par des hallucinations chez les personnages de la série, provoquées par la consommation d’alcool, des drogues et de la même pilule produite par le laboratoire dont ils sont les propriétaires.
[04] Remplacer des situations appartenant au monde irréel de Poe, par un monde réel absolument crédible.
Je comprends que les spectateurs qui ne sont pas capables de jouir intellectuellement de toutes ces trouvailles et clins d’œil, ne pourront pas apprécier la série.
D’autre part, je suis d’accord que la qualité des comédiens est très hétérogène.
Et que le sujet des abominations commises par certains laboratoires, a déjà été traité avec succès dans d’autres séries. Mike Flanagan aurait pu partir d’une histoire contemporaine nouvelle.
D’où mes quatre étoiles aux lieux de cinq.