Alors que des antis-vax scandent dans la rue "liberté, liberté, liberté" je me demande à quel point j'étais libre dans le choix de me lancer dans Squid Game. Le monde culturel est une sorte de Loto d'où émerge régulièrement un produits dont le succès relatif peut se transformer en un raz de marée complètement irrationnel. Cette série a ainsi pleinement bénéficié d'une machine médiatique emballée façon Gimbap. Des colonnes du Monde à mon flux Facebook en passant par les conversations de mes amis jusqu'aux journaux TV relayant les incidents occasionnées par cette série, tous sont coupables d'avoir rendu inévitable notre rencontre: j'étais environné, harcelé par ces zouaves costumés avant même de les connaitre. L'effet de simple exposition a créé chez moi une bulle de curiosité qui aurait dû être éclaté par des avis (un minimum objectif) sur la série. Sauf que, et c'est la beauté de la chose, tous les médiums précités ne parlent pas tant de la série et ses qualités (limitées), que de son succès et ses effets. La machine s'alimente elle-même et en bout de course des consommateurs innocents (et probablement un peu stupides) dans mon genre se retrouvent embarqués, piégés. Devenant bientôt eux-mêmes des agents de propagande. La preuve, voici une nouvelle critique sur "la (nouvelle) série phénomène".
Le premier épisode a failli être le dernier tant TOUT m'a insupporté dans notre héros. C'est un incapable qui loupe tout ce qu'il entreprend, l'argent lui brûle les doigts, il est nul, il est pathétique et on est rapidement convaincu que s'il est pauvre, c'est qu'il le mérite. Rajoutons à cela que c'est le pire père du monde :
QUI va pêcher un cadeau surprise à sa fille dans des machines à sous ? Et QUI ne regarde pas dans cette boite (non fermée) ce qu'il va offrir ?
Personne si ce n'est un personnage complètement artificiel destiné à attirer notre sympathie et nous rassurer sur nos vies, on la rate tout de même moins que lui.
Le traitement de son héros est symbolique de ce qu'est Squid Game: caricatural et artificiel, exagéré comme l'interprétation théâtrale des acteurs. La scène où Han Mi-Nyeo
doit gagner du temps dans les toilettes
est un must.
La série contient "quelques facilités scénaristiques" selon la critique, je reformule la série "repose sur un scenario aussi solide que la paix avec son voisin du Nord".
Comment garder secret la construction d'une telle installation ? faire taire des centaines d'employés en charge de tuer des êtres humaines en les regardant dans les yeux ? Ne pas soulever l'attention des autorités avec 400 disparitions à l'année ? Les réactions des personnages sont également absurdes : le méchant décide de ne plus faire de massacre la nuit car il a peur d'être trahit ! N°001 se choisit une pâtisserie compliquée alors qu'il connait déjà l'épreuve... Gagner aux jeux est également "facile". Ainsi on se demande par quel tour de passe passe nos héros vont pouvoir franchir l'épreuve de la corde ?
Aucune ! Il suffit au scenario d'être débile ! (au cas ou vous auriez un doute les conseils de 001 ont été testé IRL, ils ne servent à rien).
Je ne parle même pas de n°001 qui joue car il voulait ressentir le frisson du jeu mais qui en fait ne risquait rien... Presque aussi risible que le discours moraliste sur "être trop riche rend malheureux" ou aussi absurde que de légitimer le jeu en disant "vous pariez bien sur des courses de chevaux".
Les épisodes étant assez long, les personnages peu nombreux (sur 9heures on s'intéresse à 8 personnages !) et les jeux occupant 15-20min il faut bien combler. Alors on crée de vagues sous intrigues :
un trafic d'organe inepte, une scène de baise absurde, des échanges entre candidats insipides avec en point d'orgue l'échange pré-sacrifice des deux "copines" qui promettent de se dire "ce qu'ils n'ont jamais dit à personne" et qui débouche sur "leur rêve" : "un Mojito à Hawaii".
Whaaaa passionnant vraiment... En vérité on s'emmerde 75% d'un épisode mais pendant 3, 4 épisodes je n'ai pas voulu arrêter.
Car il faut bien reconnaitre à Squid Game une qualité : son concept est génial et on est prêt à supporter tout ça afin de les voir se faire massacrer dans des jeux d'enfants d'une joie mauvaise, sadique.
Malheureusement si la série choque par son gore elle n'a en vérité rien de très transgressif, les personnages sont trop peu nuancés pour créer la moindre empathie ou gêne. Les gentils sont gentils, les méchants, méchants.
Le jeu des billes aurait pu être intéressant. Tout était pourtant cousu de fil blanc, j'étais persuadé que le partenaire serait un adversaire et que notre héro allait s'allier avec le vieux qui, pratique, était à l'article de la mort. Pendant un moment j'ai cru qu'il allait vraiment profiter de lui ce qui aurait cassé la personnalité monolithique de notre héros trop bon, mais finalement non le vieux était bien conscient de son sacrifice. Comment d'ailleurs faire gagner un participant qui ne ferait pas de mal à une mouche ? Il suffit d'un 2e sacrifice (que l'on a également vu venir 3 épisodes plus tôt).
Un autre problème est que le jeu érige en principe absolu sa neutralité... or il ne l'est pas :
dans la présence même de n°001 ou quand "le méchant" demande un autre jeu en ayant perdu aux billes ou dans l'absence de sanction lorsqu'un canif est découvert sur lui ou lorsque le "bon élève" triche et trahit
Abdul. Le traitement de ce personnage est d'ailleurs franchement raciste: le mec n'ose même pas appeler par son prénom un type au charisme de mollusque simplement parce qu'il lui a payé le bus... Son comportement est plus proche de l'animal domestique que de l'être humain.
Au final le succès de Squid Game s'explique par ses massacres garanties à chaque épisodes et ses plans iconiques : entre costumes mystérieux et plans larges aux décors colorés
(les couloirs menant aux épreuves, le green light / red light, la salle où ils sont habillés, le chapiteau aux dalles de verre, le lounge VIP
).
C'est peu mais suffisant grâce à un marketing habile à destination des ados (merci Tiktok) soutenu par la puissance d'une multinationale qui homogénéise les gouts de toute la planète en l'inondant de sa daube.
PS : Le Gardian: "Squid Game dresse également le portrait de la société contemporaine en Corée du Sud, et les inégalités de richesse qui touchent sa population." Je riz (jaune).