Le titre et la brève description m’ont suffisamment intriguée. Peut-être parce que j’ai personnellement vécu une histoire toxique, j’ai eu la curiosité morbide de réassister à la naissance de ce genre de relation dévastatrice, et d’en comprendre les mécanismes.
Quoi qu’il en soit, j’ai totalement accroché, et je ne saurais pas vraiment en expliquer la raison, car il n’y a rien de sensationnel. Les acteurs jouent bien, mais pas non plus merveilleusement. L’action se situe entre 2007 et 2015, les personnages sont des étudiants américains et ont la vingtaine. Rien qui ne résonne avec ce que je suis actuellement. Je ne suis donc techniquement pas la cible, mais mon potentiel syndrome de Peter Pan me permet d’apprécier les histoires de teenagers. Plus objectivement, c’est l’âge où tout est possible, où tout prend des proportions démesurées. Les émotions sont exacerbées, et l’on fait plein de bêtises par manque de maturité et de connaissance du monde et de la nature humaine. Donc il se passe des choses. Beaucoup. Du dramaaaaa à foison. Et de la même manière que j’aime les émissions de True Crime parce que d’une certaine façon, observer des drames à distance, c’est s’en protéger (se sentir en sécurité au moment du visionnage, mais alertée des potentiels dangers extérieurs), regarder cette série à mon âge, c’est se rappeler, mais se sentir en paix. Loin du stress des études, de la pression, du futur, des attentes familiales. Mais également loin de ces explosions d’émotions liées aux relations amoureuses et à cette perpétuelle quête identitaire, et ce besoin d’être aimé et de se sentir intégré. Découverte de la sexualité, naissance des sentiments, trahisons, manipulation. TELL ME LIES nous sert un cocktail d’émotions au travers de ces portraits fragiles et destins qui se façonnent. Des histoires pleines de promesses qu’une simple décision, rencontre, peut briser en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.
L’intrigue principale repose sur cette relation toxique à souhait dans laquelle se lance Lucy, ayant froidement rompu avec son petit ami avant de rejoindre le campus de Baird, charismatique jeune femme aux airs de Lana del Rey, en colère contre sa mère, anéantie par la mort de son père trois ans plus tôt ; et Stephen, fraîchement séparé de l’impressionnante Diane, issu d’une famille modeste et dysfonctionnelle, sous l’emprise de sa mère. Lui est ambitieux et manipulateur, elle est privilégiée et en quête de sensations. Elle perd totalement pied au contact de Stephen lorsqu’ils deviennent intimes. Problème, il joue sur deux tableaux, ment comme il respire, manipule sans états d’âme. Et bien que Lucy ait conscience de tout cela, c’est plus fort qu’elle. Elle est faible face à ce garçon compliqué et imprévisible.
Un drame vient perturber le quotidien du campus lorsque Macy est retrouvée mort à la suite d’un accident de la route, au retour d’une soirée à laquelle Lucy avait refusé de l’accompagner. De nombreux secrets entourent la véritable nature de cet événement. Cela aura un impact sur le bien-être mental d’autres protagonistes. On suit par ailleurs le couple en apparences idéal, formé par Pippa et le bruyant Wrigley (Spencer House), capitaine de l’équipe de football. Puis l’éveil sexuel de la douce et innocente Bree, soudainement ghostée par Drew, qui tardera à se faire remarquer par Evan (Branden Cook). Ce si gentil garçon, riche et prévenant qui peine à trouver sa voie. On découvre ensuite les familles et parcours respectifs de cette poignée d’étudiants.
Les portraits se précisent d’un épisode à l’autre. Comme toujours, les premières impressions sont souvent trompeuses et l’on ne connaît jamais personne. Ce qui est pertinent dans cette série, c’est de comprendre qu’il n’y a jamais de bons ou mauvais. Seulement des humains en constante construction, imparfaits, capables du pire comme du meilleur. On voudrait détester ce Stephen parce qu’évidemment, il est malsain, pervers dans ses intentions.
Puis on découvre l’univers dans lequel il a grandi et l’emprise qu’a sa mère sur lui. Lucy par ailleurs, marine dans son drame en blâmant sa mère, absente lorsque son père est mort parce qu’en train de batifoler avec un autre homme. Et cela lui donne une excuse pour paraître torturée et froide, alors qu’elle est en réalité extrêmement privilégiée et que sa mère est simplement une femme.
Chacun décide de son drame, de son histoire et de l’interprétation qu’il veut en faire. Mais il y a autant de versions qu’il y a d’êtres humains. C’est intéressant de découvrir les différentes perspectives et rôles que chacun endosse durant ces deux saisons riches en rebondissements. Je me suis plus ou moins identifiée à Lucy pour avoir connu ce genre de relation dans laquelle on se perd parce que l’autre nous ment, nous manipule, nous déçoit et nous rend fou, parce qu’impossible à totalement comprendre et retenir. Alors on s’accroche aux miettes, on pardonne l’impardonnable parce que lui seul nous fait sentir aussi vivant, même si c’est en souffrant. Les émotions sont trop intenses et cela devient une drogue. L’obsession pour l’autre femme, le fait de se comparer, de vivre dans la peur d’une nouvelle trahison, rencontre. C’est assez cathartique de voir l’ampleur que cela prend et comment cela est également perçu par un entourage impuissant.
Ce que j’ai par ailleurs apprécié, c’est la justesse du personnage de Stephen, qui n’est pas spécialement beau, et ne commet rien de tant monstrueux tels que des accès de violence ou bien des abus à répétition dont on ne comprendrait vraiment pas la raison pour laquelle une jeune femme indépendante succomberait. C’est plus sournois et insidieux que cela, et renforce la crédibilité de la série selon moi. J’ai aimé la montée en pression et la claire chronologie. Ici, on sait précisément où nous en sommes. Cela permet d’observer et situer l’évolution de manière précise.
Les deux saisons sont efficaces. Impossible de ne pas vouloir voir vers quoi tout cela aboutit.
J’ai peut-être un peu moins compris comment Lucy pouvait se remettre si facilement de l’énorme trahison en fin de saison 1. Une femme obsédée et amoureuse aurait totalement perdu contrôle et n’aurait pas simplement regarder ce couple se reformer sous ses yeux sans réagir. Au minimum, des messages se seraient échangés. Surtout sachant qu’elle avait abandonné le projet de son séjour estival en Inde pour rester aux côtés de Stephen. Là, on veut nous faire croire qu’à aucun moment de ses vacances, ivre, elle n’aura cherché à revoir ou entrer en contact avec celui qui était sa drogue pendant toute une année ? Une femme sous emprise perd contrôle et dignité, mais surtout cherche à comprendre et à recevoir sa « dose ». Ici, cet aspect a été supprimé. On peine également à comprendre pourquoi Stephen tient à ce point à se venger et à la faire souffrir alors que c’est lui qui l’a quittée. Elle n’a rien fait, ne s’est même pas vengée et ne l’embête pas. Alors pourquoi ? Surement un moyen de montrer au téléspectateur que Stephen a besoin de se sentir en contrôle et n’accepte pas d’être ignoré ou remplacé, même s’il a quelqu’un d’autre dans sa vie. Et c’est vrai que c’est une caractéristique des pervers narcissiques assez commune. On en vient tout de même à se demander qui obsède qui dans ce triangle amoureux malsain: Diane, Stephen, Lucy ?
Pour terminer, on sent que metoo est passé par là, car bien que le sexe soit omniprésent dans cette série tout en demeurant suggéré et « propre », je peine à penser que les jeunes en rut se comportent réellement ainsi de nos jours. Chaque garçon cherche constamment la validation et le consentement de sa partenaire. « C’est ok pour toi? » S’il retire sa petite culotte, l’embrasse ici ou là. Beaucoup de scènes de sexe oral suggéré également, mais seule une scène implique une fellation. Cela me semble tout de même hautement improbable que tous ces jeunes hommes soient devenus de tels modèles d’altruisme, polis et respectueux. Mais qu’en sais-je, je n’ai plus la vingtaine et n’ai aucune idée de comment se comporte cette nouvelle génération lobotomisée. Si c’est vraiment comme ça, et bien, bravo a ceux qui ont permis ce re-calibrage. Mais cela me semble parfois un peu too much ou faux.
Bref, j’ai hâte de voir la saison 3 lorsqu’elle sera disponible. L’attente risque d’être néanmoins longue puisque deux ans s’étaient déjà écoulés entre la première et la seconde saison. À suivre donc.