Cette série me pose de gros problèmes, à moi qui enseigne l'histoire. Le thème est très important, mais il y a un souci majeur et quelques autres de surcroît.
Le souci, c'est qu'il n'y a aucune cause donnée au comportement des Européens depuis (suivant les moments du film) le XVe siècle ou les croisades (point de départ un peu surprenant, d'ailleurs). S'il est clair que les Européens - et les Etats-Unis - se sont rendus coupables de très nombreux crimes, dont un certain nombre de génocides, pourquoi ? Finalement, l'auteur n'explore jamais les causes sérieusement, mais reste dans le constat de l'horreur.
Si l'on n'est pas un négationniste et que l'on a déjà accepté cela avant de voir la mini-série, elle n'apporte hélas pas grand chose. De plus, l'auteur rend la compréhension des phénomènes qu'il étudie plus complexe pour deux raisons :
- 1. parce qu'il fait des comparaisons assez discutables entre des situations assez différentes, par exemple lorsque l'on passe insensiblement d'un défilé du parti nazi à un anniversaire d'un souverain britannique parce que dans les deux cas il y a des gens qui défilent dans des rues pavoisées... Ce genre de comparaisons abusives nuisent à l'analyse ;
- 2. parce qu'il en reste, à une exception près, aux phénomènes de violence (colonisation, exterminations, génocides) perpétrés par des blancs, comme si les phénomènes de violence étaient absent du reste de l'histoire humaine. L'exception est le génocide des Tutsi du Rwanda, qui a droit à une séquence de quelques minutes, mais il n'y a pas d'exploitation réelle de ce parallèle. Si les Hutu ont tué les Tutsi, qu'est-ce que cela veut dire par rapport à la problématique de la série qui explore la violence des blancs sur les Indiens d'Amérique et les noirs principalement ? On pourrait se demander aussi pourquoi le phénomène de l'esclavage est représenté comme apparaissant avec la colonisation de l'Amérique. Pourquoi l'auteur ne s'interroge-t-il pas sur l'esclavage dans l'Antiquité, par exemple ?
Bref, je pense que la réflexion devraient être poursuivie et étendue à l'ensemble de l'histoire de l'humanité. Comment un peuple se met-il à en massacrer un autre, ou à le traiter comme du bétail ? Continue-t-il à le faire ? Mais aussi : pourquoi parfois cela s'arrête-t-il ? Par exemple, qu'est-ce qui faut que la traite transatlantique s'arrête ? L'auteur fait une animation qui montre la déportation de masse des noirs en Amérique, puis tout à coup l'image s'arrête sur un chiffre en 1875. Pourquoi ce coup d'arrêt ? Pourquoi un génocide s'arrête-t-il ? Autre point qui fait défaut : les peuples sont représentés de manière monolithique, comme s'il n'y avait quasiment pas de débats et d'oppositions.
Les dernières images de la série montrent le camp d'Auschwitz avec en voix off le réalisateur qui répète que le savoir ne nous manque pas - on a toujours su que ces massacres avaient lieu, donc. Dont acte. Mais alors, qu'est-ce qui nous manque ? L'homme blanc est-il fondamentalement mauvais, si c'est lui qui sans raison tue et vole ? Si l'on ne travaille pas davantage les causes, l'histoire devient absurde. Y a-t-il alors quelque chose de pourri dans la culture européenne, et si oui quoi ? D'où cela vient-il ? Depuis quand ? Mystère. Malgré son animosité envers la religion chrétienne, le réalisateur ne va pas jusqu'à dire que le racisme vient du christianisme, ce serait difficile à gober. Le racisme est-il propre aux blancs ? Non, bien sûr... mais pourquoi ne présenter que cela ? Une comparaison avec d'autres situations historiques aurait peut-être permis d'y voir plus clair. Après avoir tout vu, on en reste sur un constat terrible et désespérant : pendant au moins 500 ans, les blancs ont massacré, ils continuent de le faire. Et on ne sait pas pourquoi... donc on ne peut pas l'empêcher !
Cette absence de réflexion sur les causes est d'autant plus surprenante que l'auteur travaille à plusieurs reprises sur les conditions (c'est autre chose) et sur les conséquences. Il oublie juste l'élément clé qui permet de comprendre ce dont il parle.