Presque tout est parfait ! Comme à l’image des salons feutrés des hôtels de prestige dans lesquels s’affrontent les joueurs d’échecs. Tout simplement à l’image des joueurs d’échecs, tout en retenu, tout en pudeur. Comme à l’image de Beth Harmon (Anya Taylor-Joy), élégante ; même vêtue d’habits vieillots, on ne remarque que son maintien, lequel efface toute enveloppe vestimentaire ! L’actrice qui interprète Beth petite (Isla Johnston) dans l’orphelinat a déjà une posture fière et altière. Je ne connais strictement rien aux échecs mais la force de cette mini-série c’est d’avoir su me séduire, me captiver. Et je ne suis pas le seul. Car je doute que ladite mini-série avait pour seul objectif d’intéresser les élites. Peu importe le jeu, peu importe les stratégies illustrées sur l’échiquier, j’étais comme hypnotisé. Le mérite revient à une mise en scène lisible sans pour autant être primaire. Simple et efficace puisque je me suis laissé emporté comme un passionné d’échecs, moi, le béotien. Si la mise en scène est réussie c’est parce qu’elle passe par les émotions des joueurs. Par la direction du directeur d’acteur, Scott Frank. La grande force de cette mini-série, c’est le jeu sobre de tous les acteurs. Ce qui est rare, ça n’engage que moi, il n’y a pas un personnage irritant, un personnage à détester ; il n’y a pas la fameuse caution comique, le personnage qui est là pour détendre l’atmosphère, le bouffon de service attendrissant. Tout est harmonieux dans cette série. Harmonieux ne rime pas pour autant avec ennuyeux. Pourtant, « Le jeu de la dame » n’est pas une série lisse, elle n'est pas dénuée d’aspérité, ni de tendresse ni d’humour. Il y a même, si on force un peu la dose, une séquence érotique ; celle où Beth retrouve ses pilules, s’allonge sur son lit et une pièce de l’échiquier apparaît au plafond ; avec l’effet de la mise en scène, le rapprochement du plan, on distingue l’ombre de la pièce envelopper Beth ; objet phallique qui pénètre tout le corps de celle-ci. L’émotion ne se traduit pas que dans les tournois, elle est tout simplement au rendez-vous dans les simples rapports humains. Je sais, par nature, les rapports humains ne sont jamais simples. Ici, ils sont bien compliqués. Et là encore, pas de cris, d’hystérie, de vengeance. On a droit à des regards, à des silences qui expriment bien plus que des emportements. A cela s'ajoute le sourire de Beth qui tranche avec son corps d’une blancheur éclatante, qui tranche avec un visage tantôt froid, tantôt distant, farouche, emprunt d’une certaine pudeur, ce sourire vous inonde le coeur d’une émotion forte. Oui, parfois, ça fait un bien fou d’évoluer dans du velours. On peut aimer « Le jeu de la dame » et se délecter de la férocité de « Marvel’s The Punisher » ; on peut aimer « The L Word » et aimer cogner avec « Banshee » ; on peut aimer « Pose » et aimer être manipulé dans « Game Of Thrones » etc. Tant que les émotions sont au rendez-vous, peu importe le sujet, le style, le genre. Enfin, je salue la reconstitution des années 50 et 60, ce côté vintage est toujours agréable à l’oeil avec ces couleurs vives (dernièrement Umbrella Academy saison 2). Vous l’aurez compris, « Le jeu de la dame » m’a conquis ; ce n’est pas pour autant que je vais me mettre aux échecs. A voir si possible en V.O.