À la fois extrêmement séduit par l'idée de départ avant d'être légèrement inquiet quant à sa capacité à tenir sur la distance, « The Boys » nous rassure très rapidement sur ses capacités à être la grande série « super-héroïque » que l'on attendait. D'emblée, Eric Kripke sait imposer un style singulier, moderne, exploitant pleinement les écrans télévisuels pour montrer l'influence « réelle » qu'ont pris les super-héros au quotidien, incarnés par cette « communauté » dont la violence et le mépris total de la loi vont très vite apparaître au grand jour. Cette idée de « sauveurs » ultra-corrompus, il fallait vraiment y penser, faisant basculer la série vers un registre inattendu, ne se départant jamais de son humour grinçant tout en offrant une vision assez sombre d'une époque aveuglée par ce qu'elle aime, imperméable à tout scandale que les maisons de production s'efforce par ailleurs de cacher avec un cynisme souvent glaçant.
Il y a un vrai plaisir à voir ce renversement des valeurs, ce « monsieur tout le monde » sans envergure s'attaquer à un empire par désir de vengeance, sorte de « David contre Goliath puissance 1000 », entouré, heureusement pour lui (et nous) dans sa mission par des personnalités autrement plus rompues à ce genre de missions, offrant quelques moments savoureux grâce aux caractères très affirmés des différents protagonistes, l'ultra-viril Butch (dans un rôle où j'aurais TELLEMENT imaginé Brad Pitt, même si Karl Urban fait plus que correctement le job) en tête. Il y a à la fois une vraie volonté d'offrir une série grand spectacle doublée d'une réflexion sur la définition de super-héros et la dérive que peuvent entraîner de tels super-pouvoirs utilisés à mauvais escient, surtout lorsqu'ils bénéficient d'une telle complaisance au plus haut sommet de l'État.
« The Boys » fait ainsi coup double en proposant à la fois une « normalisation » du statut de super-héros et la dégénérescence d'une société où les images, le rêve sont devenus plus forts que la loi ou la démocratie. Tous ces aspects n'en sont pas moins au service d'un vrai scénario, traitant avec intelligence les aspects évoqués précédemment tout en offrant de nombreux personnages complexes voire clairement ambigus, antagonistes compris, au sommet duquel l'inquiétant Homelander plane à des sphères très élevées. Savant mélange des genres (action, comédie, thriller), très rythmé malgré quelques coups de moins bien, l'œuvre n'a pas peur des excès et se révèle parfois surprenante, certains moments étant amenés à devenir cultes
(le « bébé laser » : rarement autant jubilé récemment)
, pouvant compter sur un casting aussi homogène qu'impeccable (allez, à choisir Elisabeth Shue et Antony Starr sortent un peu du lot) pour tirer la série vers le haut.
L'une des très rares productions qu'Amazon a daigné sortir en DVD/Blu-Ray et c'est tant mieux, car niveau inventivité, intelligence et regard sur notre société, « The Boys » frappe fort, apparaissant déjà comme un incontournable de ces dernières années. Pourvu que ça dure...