L’adaptation des comics éponymes de Garth Ennis est enfin déterrée pour le plus grand bonheur des spectateurs et pour le plus grand malheur des multinationales, notamment Hollywoodienne. De l’humour trash à une satire mesurée, la rencontre avec nos héros vire au procès. Dans un monde où ces derniers existent, la société met en avant leur pouvoir comme un don divin, visant à libérer les faibles de l’oppression. Mais la machine du XXIe siècle suggère un changement de règle radical. À l’heure où la surconsommation et les prestiges des superpuissances économiques dominent tout, en matière d’influence, il existe une part d’ombre qui rime avec individualité. Les super-héros sont des hommes. Ils ont beau être « super », ils ne restent pas moins humains dans l’âme, avec les défauts et leurs nuances.
Le débat s’axe sans trop tarder sur les failles du système, protégeant ces figures. Mais les préjudices remontent parfois à la source, à savoir l’entreprise Vought. Il est facile et efficace de voir le reflet de Disney ou de la Warner Bros pour ne citer qu’eux. Les Seven d’Amérique ne sont que des produits que l’on use jusqu’à la moelle. Mais le leader, l’impérial Homelander (Antony Starr), symbolise clairement la problématique de ces pseudo-célébrités. L’abus, l’excès, la corruption et la perversité les caractérisent et constituent les enjeux des simples humains, qui ne cherchent que justice, la vraie. Un à un les membres sont disséqués et rendus méprisants. Comme dans un comic, l’univers fictif aide à faire le pont avec la réalité, car les mythes sont exploités à contre-courant, tout en restant productif. « Brightburn » l’a récemment fait, mais sans avoir les bons outils pour vendre le concept. Ici, la série prend le temps d’analyser en long et en large les méfaits de ces individus, sur la société et les manifestations hypocrites des Seven.
Il fallait donc un paria dans l’histoire et c’est Billy Butcher (Karl Urban) qui endosse la cape du justicier vengeur. On aura tout de même droit à une narration plus mystérieuse à son égard, mais il ne sera pas question de le dévier de sa voie. Il est ici pour ouvrir les yeux et le faire découvrir au monde. Il se revendique comme la clairvoyance d’un monde aveugle, mais la vérité serait plus proche chez un autre protagoniste. Hughie Campbell (Jack Quaid), victime d’une maladresse forcée d’un Seven, se voit propulser dans un dilemme existentiel. Il questionne les héros et nous questionne sur ce que nous idolâtrons. Son duo avec Stella (Erin Moriarty) appuie cette idée que la série prend au sérieux ses propos. La censure est très flexible, car le trash n’est pas qu’une simple option. L’hémoglobine dans la narration témoigne de cette force, crue et impitoyable.
La tendance super-héroïques dans les salles ou autres supports n’est pas forcément un fléau. Mais comme pour du fast-food, nous en connaissons la recette. Il est alors rafraichissant de voir ce que « The Boys » a su proposer. Amazon a donc sû tirer profit d’un contrepied des licences, afin de nous promettre du meilleur pour l’avenir, ou du moins du contenu plus original et plus audacieux. Mais attention de bien étudier l’objet qui se trouve devant nous. La série s’adresse aux adultes ou bien à notre maturité, celle qui pèsera le pour et le contre dans ce jeu de l’ombre. On se permet de dénoncer les démarches frauduleuses des industries à gros billets verts, tout en martelant l’image des héros qui ont forgé notre enfance. Pas besoin d’être ultra lucide pour comprendre que le contenu vise à sensibiliser, mais n’oublions pas de profiter du spectacle autodestructeur chez des personnages flamboyants. Dans cette série, tout est permis.