Difficile d’échapper au phénomène.
Le véganisme ? Le retour du K-way ?
Non, non, « La casa de papel ».
Mais pourquoi donc ? D’où vient ce succès ? Pourquoi aperçois-je des masques de Dali sur les bus parisiens ? Pourquoi ma fille veut se mettre à l’espagnol ? Que signifie « Tokyo a vraiment un beau cul » ?
Allez, tentative d’explication.
¿Qué es esta casa?
« La casa de papel » est une série espagnole reprise par Netflix dans laquelle un homme à lunettes (donc forcément intelligent – même si vous aurez noté que Lorànt Deutsch en a, lui aussi) embauche des braqueurs afin de réaliser « le casse du siècle » sans voler personne. Un peu comme Robin des Bois mais sans la capuche (ni petit Jean).
Il les met au vert pendant cinq mois dans une jolie demeure (dont on se demande tout au long de la première saison comment il l’a financée – un peu comme le reste d’ailleurs), cinq mois durant lesquels il va leur donner des cours pour réaliser ce casse. Evidemment, comme dans toute opération complexe, il faut des règles durant ces vacances studieuses : pas de noms (c’est pourquoi, ils vont se faire appeler « Tokyo », « Moscou », « Oslo », « Nairobi » (une Tokyo bis qu’on essaye de nous faire passer pour une bombe, elle aussi (mais une bombe espagnole – qui a déjà explosé, donc)), etc. tandis que lui se fera appeler « Professeur »), pas de sexe (bon là, ils sont pas très sérieux et ça dérape assez vite, ce qui n’est pas pour nous déplaire compte tenu du fessier de Tokyo, à peu près aussi dense que la métropole japonaise), etc.
Toutes ces règles s’imposent afin que les apprentis braqueurs se concentrent sur leur objectif.
Mais quel est cet objectif, me direz-vous ? Que vont-ils braquer (à part le fessier de Tokyo) ?
Tout simplement « La fabrique nationale de la monnaie ». L’idée est d’imprimer 2,4 milliards d’euros en s’enfermant une dizaine de jours dans la fabrique, et ce, sans verser une goutte de sang malgré une prise d’otages prévue de plus de 60 personnes (dont une fille d’ambassadeur, sorte de monnaie d’échange version lycéenne mal dans sa peau – qu’elle a pourtant fort douce).
Ainsi, l’astuce de la série est que, contrairement à un braquage classique, le principe est de gagner du temps pour permettre l’impression des milliards d’euros. Se développe alors un jeu du chat et de la souris entre les policiers coincés à l’extérieur et les braqueurs enfermés volontaires (sauf le professeur qui pilote tout ce beau monde avec ses lunettes depuis un hangar situé à proximité).
Cette inversion de la mécanique classique du braquage (qui, en général, doit plutôt être rapide pour éviter l’arrivée de la police) nécessite (ou permet) « d’explorer » les personnages, sous forme de flashbacks et d’explorer ces intrigues secondaires (par ex. : entre braqueurs et otages).
Et là Patatras (ou plutôt « zas », m’indique Google Translate).
Let’s Twist again
« La casa de papel », c’est un peu la version série de « La vérité sur l’affaire Harry Québert » où il y a tellement de retournements que tu sais plus dans quel sens tenir le livre à la fin.
D’ailleurs, cette série est tellement truffée de twists qu’on se demande pourquoi aucun des malfaiteurs ne s’est fait appeler « Saint-Tropez » (rire poli autorisé).
Ce ne serait pas un problème si les personnages étaient un minimum attachants ou bien que les situations rocambolesques ne se succédaient pas dans la plus parfaite absurdité.
Or, non seulement certains personnages sont totalement laissés de côté (Oslo ne répond plus), mais les interactions entre les personnages sont à la limite de la caricature et se produisent grâce à des coïncidences grotesques.
Un exemple (parmi mille autres) : la responsable de l’opération côté police tombe sur le professeur en allant au café du coin (note : si vous allez en vacances dans le coin, vous n’aurez pas le choix, il n’y a qu’un seul café dans ce bled). Quelques temps plus tard, ils se donnent rendez-vous au restaurant et comme elle commence à soupçonner quelque chose (on est flic ou on ne l’est pas), elle le menace de son arme. Deux minutes après, se rendant compte de sa bourde (qui n’en est pas une si vous suivez, mais le professeur est plus malin qu’elle (ou alors il a sacrément envie de niquer)), ils se retrouvent en position horizontale pour s’échanger leurs fluides corporels.
Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis, paraît-il. Mais sont-ils tous armés d’un flingue ?
On cherche un dialoguiste
Dans la série (ha ha) des éléments qui clochent, difficile de ne pas évoquer les dialogues, là encore à la limite de la caricature (le pompon d’or étant donné à cette chef de la police qui ne baise jamais trop loin de son flingue).
D’un sexisme ordinaire assez pathétique (entre les remarques sur les « règles » de la policière (non, non, je déconne pas) et son effort constant pour démontrer qu’elle en a dans le pantalon), les répliques provoquent assez souvent la consternation, voire l’interrogation (ai-je bien entendu ce que j’ai entendu ?).
L’indigence des échanges, notamment lorsqu’ils sont censés illustrer une relation amoureuse, plombent encore plus certains personnages secondaires dont on souhaite subséquemment la mort rapide. Ainsi, le personnage du directeur de la fabrique est immédiatement agaçant, bien qu’increvable (il survit notamment à une balle prise dans l’épaule et une opération dans des conditions d’hygiène relativement douteuse). Il ne veut pas crever, cherchez pas, faudra le supporter jusqu’au bout (ou pas – spoiler).
S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème.
Mais j’en viens au pire : les incohérences du scénario.
La série est parsemée ainsi d’invraisemblances auxquelles on ne fait même plus attention tellement il faudrait mettre continuellement sur pause si on voulait toutes les noter (mais on a quand même autre chose à faire, bordel, on n’est pas scénariste).
Ces invraisemblances se focalisent assez systématiquement sur le professeur (et ses lunettes) qui a pensé à tout et qui est impossible à baiser (sauf, bien sûr, si on l’a menacé d’une arme deux minutes plus tôt).
Il y a des caméras partout mais il peut prendre sa moto, se rendre dans une casse et revenir à son hangar sans être inquiété ni filmé. Si un russe l’emmerde et peut l’identifier, voilà qu’il se met à parler russe. Si on se demande ce qu’il fait dans ce café, là, aujourd’hui, il s’avère que c’est le café où il vient tous les jours depuis des années. Etc. Etc.
Tout est trop facile, à la fin on ne doute même plus qu’il va de toute manière avoir pensé à tout, donc pour tout dire on s’en fiche. On veut juste revoir une dernière fois le cul de Tokyo.
En conclusion, je dirais que cette série me fait un peu penser à un livre de Michel Bussi : tu sais que tu lis de la daube, t’as compris au bout de 10 pages comment ça va finir, mais t’arrives pas à t’arrêter de lire. Le pire étant, bien sûr, que tu t’en veux à la fin d’avoir perdu quelques heures de ta vie simplement pour confirmer que tu avais raison.
Bref, enjoy !