La ville de Marfa, théâtre des aventures de Chris (Kathryn Hahn) et Silvere (Griffin Dunne), existe bel et bien. Située au Texas, elle est notamment connue des cinéphiles pour avoir servi de lieu de tournage au film Géant avec James Dean, Elizabeth Taylor et Rock Hudson. Les amateurs d’arts et de sculptures l’apprécient également pour Marfa Prada, une création érigée non loin de la ville et qui attire de nombreux curieux.
"I Love Dick", le roman de Chris Kraus dont la série d’Amazon Prime est l’adaptation, est sorti en 1997, soit 20 ans avant le lancement de la saison 1. L’ouvrage développe le principe de la situation triangulaire qui est aussi au centre de la série : celle-ci a inspiré, pendant deux décennies, des auteurs, des artistes et des historiens de l’art, par sa capacité à brouiller les cartes entre fiction, essai et récit autobiographique. En France, le livre est paru au cours de l’été 2016.
Au moment de développer sa deuxième série pour Amazon, la productrice-scénariste Jill Soloway s’est tournée vers plusieurs actrices qu’elle connaît bien. Kathryn Hahn (Chris), India Menuez (Toby) et Sherry Cola (Natalie) ont toutes les trois joué dans Transparent, la première série créée par Soloway pour le service de streaming. Kathryn Hahn a plus particulièrement marqué les esprits, puisqu’elle interprète Raquel Fein, un des rôles réguliers de la dramédie avec Jeffrey Tambor.
Si les sériephiles se souviennent que l’acteur tenait le premier rôle dans The Following, Kevin Bacon (Dick), surtout connu pour sa carrière au cinéma (Mystic River, Des hommes d’honneur, Footlose), est également apparu dans d’autres programmes sur le petit écran. Il a en effet prêté sa voix à un auditeur qui appelle Frasier Crane dans la série Frasier… et il a joué un personnage de second plan dans le feuilleton quotidien Haine et Passions entre 1980 et 1981.
C’est en travaillant sur le personnage de Leslie, une poétesse jouée par Cherry Jones dans Transparent, que Jill Soloway a découvert l’existence du livre "I Love Dick" et de son auteure Chris Kraus. Littéralement emballée par l’ouvrage, la productrice déléguée a pris contact avec cette dernière, qui, elle, connaissait la série Transparent. Après une première rencontre, l’ex-scénariste de Six Feet Under l’a recontactée pour adapter son roman en série.
Dans le roman de Chris Kraus, il n’est jamais fait allusion aux personnages de Devon (Roberta Colindrez), Paula (Lily Mojekwu) et Toby (India Menuez). Et pour cause, elles ont été intégrées au récit pour élargir le spectre de la série. "Nous avons ajouté des personnages parce que nous croyons vraiment que, en ce moment, les femmes veulent éprouver un féminisme intersectoriel et veulent voir des interactions de classe, de race, de genre et de désir", a justifié Jill Soloway.
Les scénaristes qui ont participé à la saison 1 d’I Love Dick sont toutes des femmes. Et pour que cela soit le cas, Jill Soloway a dû passer outre une légère pression des dirigeants d’Amazon Prime, diffuseur du programme. "Ils nous ont laissé choisir mais ils nous ont dit, à plusieurs reprises, ‘Et un homme? Juste un homme?’ Mais nous sommes restées sur cette idée", explique la scénariste-productrice. La raison : "Cela permettait d’éviter le cas de figure où un homme intervient en disant ‘Attendez, voilà comment je vois les choses’. Car ils ne peuvent pas s’en empêcher. Toute leur vie, on leur a dit que leur point de vue était la réalité".
Selon le propre aveu de Jill Soloway, l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis a eu des conséquences sur le développement de la série, quand bien même son tournage avait déjà débuté lorsque les Américains ont choisi le successeur de Barack Obama. I Love Dick "a été conçue alors que nous pensions qu’une femme allait arriver à la Maison Blanche", explique la scénariste-productrice. La série traduit donc "une colère", pour "remettre en cause le patriarcat". "Après l’élection, c’est devenu plus que nécessaire", ajoute l’intéressée.
Avant de se lancer dans la production d'I Love Dick, Jill Soloway a très sérieusement pensé réduire ses activités de scénariste et réalisatrice pour s'engager politiquement pour la défense des droits des femmes et des personnes queer et transgenre. Elle s'en est ouverte franchement à Jeff Bezos, le grand patron d'Amazon. Ce dernier lui a répondu, de façon assez laconique, que "raconter des histoires fait parfois avancer plus vite les choses que la politique et les lois". Peu de temps après, l'artiste se lançait dans la production de sa deuxième série pour Amazon Prime.
Choisie pour diriger quatre des huit épisodes de la première saison d'I Love Dick, Andrea Arnold tient une place particulière dans le parcours de Jill Soloway. C'est en regardant le film Fish Tank de la réalisatrice que la scénariste-productrice a décidé de se lancer elle-même dans la réalisation. "Il y a quelque chose dans sa façon d'utiliser la caméra pour filmer la faim, le désir et la vulnérabilité d'une femme que je n'avais jusqu'ici, jamais vu nulle part", justifie l'intéressée. Sans surprise, avant de travailler sur I Love Dick, Andrea Arnold a aussi mis en scène des épisodes de Transparent.