K Street : secrets de tournage

D'un commun accord, les producteurs de K Street et les dirigeants de HBO n'ont pas prolongé l'aventure au-delà de la première saison. Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer cette annulation précoce : les audiences et la disponibilité de messieurs Soderbergh et Clooney. Les 10 épisodes ont été suivis par une moyenne de 2,2 millions de téléspectateurs : en clair, K Street a d'abord et avant tout été un succès d'estime. D'autre part, les producteurs Steven Soderbergh (également réalisateur) et George Clooney (par ailleurs caméraman), dont l'implication de chaque instant lors des 10 semaines de production a dû être éprouvante, ne pouvaient pas se libérer pour produire une seconde saison, même à moyen terme, à cause d'un agenda surchargé.

Steven Soderbergh s'est amusé à concevoir une série diffusée quasiment en temps réel et fiévreusement en prise avec l'actualité. Ecrit le lundi, l'épisode de la semaine était tourné le mardi et le mercredi puis monté les 2 jours suivants en vue d'une diffusion... le dimanche ! De ce fait chaque élément de l'actualité (événement politique, débat...) pouvait être traité quasiment en direct.

Deux scènes du premier épisode de K Street montrent à quel point la série a réussi à rendre poreuse la frontière entre fiction et réalité tout en mettant en lumière l'influence directe des communicants sur les politiques. Lors de sa séance de coaching du gouverneur Howard Dean, James Carville souffle au candidat à l'investiture démocrate une réplique pour évacuer toute question gênante sur la proportion d'hommes de couleur dans l'Etat du Vermont qu'il dirige. Quelques jours plus tard, en plein débat politique avec ses concurrents, Howard Dean ressort cette fameuse réplique...

"K Street" est le nom d'une rue de Washington, célèbre pour abriter nombre de sociétés de consultants en politiques, d'avocats et de lobbyistes dont l'influence est décisive dans la sphère politique américaine.

Dans le numéro de Novembre/ Décembre 2003, la critique de film Amy Taubin écrit à propos de K Street : "Si Andy Warhol était encore vivant, à quoi s'intéresserait-il ? K Street. La série de Steven Soderbergh et George Clooney pour HBO est l'objet post-moderne par excellence, la preuve que la caméra peut créer sa propre réalité, rendant inconsistants les faits et la fiction au profit de la seule vérité. Les conseillers en politique James Carville et Mary Matalin sont les têtes d'affiche de K Street, jouant leurs propres rôles dans des situations à la limite de la fiction : ils dirigent une société de lobby et de conseils. Jusqu'à maintenant, la série a séduit un nombre effarant de personnalités politiques d'envergure qui sont apparues dans leurs propres rôles (...) La preuve la plus sidérante de la relation de cause à effet de K Street est perceptible dans le premier épisode lorsque le gouverneur Howard Dean, qui a été coaché par Carville et Paul Begala, replace dans un débat télévisé une blague que Carville lui a suggérée (...) Une autre raison pour laquelle la série procure un tel plaisir est le fait que Soderbergh, qui réalise, filme et monte chaque épisode en 5 jours, travaille sans filet et sans volonté manifeste de protéger qui que ce soit. Et il est clair qu'il en savoure chaque minute."

Si la série n'avait pas été annulée au terme de sa première saison, Steven Soderbergh aurait bien prolongé le concept de K Street lors de l'investiture des candidats et des élections présidentielles de 2008. Ce moment clé de la vie politique américaine aurait été le parfait contexte pour explorer et déterminer l'influence des consultants et des lobbyistes.

K Street est à la fois une série et un documentaire, un essai et un thriller ! Mêlant personnages de fiction et personnalités politiques, scènes improvisées et écrites, elle trouble les pistes pour mieux servir son propos. De très nombreux hommes et femmes politiques ont fait une apparition dans K Street, et toujours dans leurs propres rôles : le gouverneur Howard Dean, les sénateurs Howard Nickles, Rick Santorum, Orrin Hatch, Barbara Boxer, Chuck Hagel, Tom Daschel... D'autres acteurs de la vie médiatique américaine se sont rendus à K Street : Tamara Haddad (productrice de l'émission de Larry King), Joe Klein (l'auteur du livre "Primary Colors" et journaliste à Time Magazine), R. James Woolsey (ex-Directeur de la CIA de 1993 à 1995), John F. Street (Maire de Philadelphie)... A défaut de rencontrer un grand succès public lors de sa diffusion sur HBO, K Street s'était attiré les louanges d'une partie de la classe politique américaine et LE lieu où il fallait se montrer !

Afin de préparer K Street, Steven Soderbergh a révisé en regardant deux classiques du film politique : The War room et Votez McKay. Le premier est un documentaire relatant la campagne présidentielle de Bill Clinton en 1992. Le second est un long-métrage de fiction avec Robert Redford centré sur un jeune candidat idéaliste en course dans des élections sénatoriales.

Dans l'épisode 8, Maggie fait part de son découragement à Mary et lui dit qu'elle était plus heureuse lorsqu'elle travaillait à la Maison Blanche. C'est amusant car un an après K Street, Mary McCormack, l'interprète de Maggie, intégrait le staff de la série... À la Maison blanche !