Adaptation d’un roman lui-même adapté des véritables ébats politique de Nick Wasicko et de ses compagnons politiques de Yonkers, à la fin des années 80, du pain béni pour David Simon, le légendaire créateur des non moins légendaires The Wire et Treme. Le communautarisme, la ségrégation ou son contraire, la politique locale, le vivre ensemble, des thèmes chers au natif de Baltimore, qui profite ici du format mini-série de HBO, toujours, pour exprimer une nouvelle fois son savoir-faire sur la question. Talent d’écriture, talent dans l’ellipse, Simon est un vrai magicien de la télévision, un maestro qui pour l’occasion, s’entoure de pointures dont, excusez du peu, Paul Haggis à la réalisation des six épisodes, Oscar Isaac, Wynona Rider, Katherine Keener à l’interprétation. Du solide, du béton armé, du moins globalement, qui revient sur les troubles politiques municipales de Yonkers alors que le gouvernement impose sa vision de voir fleurir des logements HLM dans des quartiers blancs.
Show me a Hero c’est donc presque six ans de vie politique citadine, de l’entrée en force à la mairie de Nick Wasicko à son retrait, dirons-nous définitif. Un politicien ambitieux, trop, élu comme étant le plus jeune maire d’une grande ville américaine, sacrifié sur l’autel de l’ingratitude pour son combat dépité pour la construction des fameux logements alors que les électeurs s’insurgent. Rivalités politiques, rivalités ethniques, la ville de Yonkers est disséquée par Simon, sa vie administrative et politique, sa vie sociale dans les quartiers défavorisés et dans ceux de la classe moyenne. C’est en effet un vrai combat d’égos, de philosophie qui s’engage, une lutte pour l’application d’une justice rendue par une autorité supérieure et une lutte parallèle pour s’y soustraire. Le véritable paradoxe de l’élu devant appliqué une ordonnance ne satisfaisant pas ceux l’ayant mis à son poste. L’ingratitude, donc, lorsque viendra l’heure de renouveler son mandat. Mais Show me a Hero ne s’arrête de loin pas à cette simple phase, élargissant son propos dans le temps et en mettant en lumière différents points de vue.
Comme il l’aura fait sur ses deux précédentes séries, avec un succès considérable, David Simon s’intéresse à une brochette élargie d’intervenants. Derrière le personnage central, évoluant dans son univers politique, Simon choisit de nous faire côtoyer la classe moyenne blanche et quelques déshérités des cités HLM, des destins qui seront bouleversés par la construction des logements sociaux dans les quartiers est, les logements de la discorde. Mais ce qui fonctionnait parfaitement étalé sur plusieurs saisons semble ici trop sommaire pour réellement convaincre. On sent concrètement que Simon, limité à six épisodes, se voit forcer de passer rapidement sur certains aspects essentiels, s’en remettant parfois aux stéréotypes pour illustrer son propos. Impeccable lorsqu’il se concentre sur le personnage central, le créateur semble léger lorsqu’il nous fait croiser les autres destins concernés. Show me a Hero ratisse-t-elle trop large? Peut-être bien. Pour autant, il était important de confronter les points de vue et intérêts. On ne peut dès lors pas jeter la pierre à Simon, qui se sera adapter, en essayant d’en raconter un maximum, au format.
La série, mini-série plutôt, n’est donc pas parfaite, mais démontre, confirme, le talent monstre de son créateur, co-créateur, pour offrir des tableaux sociaux captivants à la télévision. On regrettera simplement le manque de deux ou trois épisodes pour boucler la boucle. Mais sans faire la fine bouche, disons-le tout net, Show me a Hero, c’est de l’orfèvrerie, un moment privilégié devant son écran, captivant, jamais assommant malgré la potentielle lourdeur du sujet. Qui plus est, Oscar Isaac, prouve, s’il était encore nécessaire de la faire, un remarquable talent d’acteur. 16/20