Je n’avais vraiment pas été conquis par la saison 1 mais voilà que je me suis quand-même enfourné la saison 2 ! Le goût pour les univers traitant de l’exploration spatiale a joué dans ma décision, bien entendu. Mais pour être honnête, la vraie raison de ma nouvelle tentative tient surtout aux incroyables retours que j’entends autour de cette série. A peine avais-je exprimé mon sentiment sur la saison 1 que déjà je recevais de nombreuses invitations à poursuivre malgré tout. « Mais c’est normal, la saison 1 met du temps à se mettre en place ! Ils étaient un peu fauchés ! (…) Ils tâtonnaient ! Par contre la saison 2 elle envoie du bois ! L’intrigue est vraiment lancée ! Ça gagne en maturité, en complexité et en budget ! » Alors OK, je ne voulais surtout pas passer à côté de quelque-chose de potentiellement intéressant alors j’ai pris le risque. Et franchement, désolé, mais non… Vraiment non. Pourtant c’est vrai que je reconnais à cette saison 2 le fait de s’être améliorée sur pas mal de points et que – sur quelques épisodes – elle est même parvenue à faire émerger chez moi un certain espoir. Ça s’est joué après l’épisode 4. Là, j’avoue que quelque-chose s’est passé. Quelques péripéties ont bien titillé ma curiosité.
Le crash d’Eros sur Venus ouvre la porte à une problématique intéressante : la possible émergence – sur une planète voisine de la Terre – d’une entité extra-terrestre intelligente, puissante, mais qui n’en reste pas moins énigmatique sur ses intentions. De même c’est à partir de ce moment là que la série commence à enrichir son environnement et son intrigue, notamment en dévoilant Ganymède, en précipitant enfin les tensions entre Mars, la Terre et la Ceinture, ou bien encore en rajoutant de l’ambigüité dans notre rapport à la protomolécule, notamment dans le fait qu’elle puisse être mêlée à une certaine forme d’humanité, qu’il s’agisse de Julie Mao ou de la fille de Prax. J’avoue d’ailleurs que dans cet élan général impulsé par tous ces éléments, le parcours de Draper sur la Terre a été une vraie bonne surprise – une double bonne surprise d’ailleurs – à la fois pour Draper comme pour la Terre elle-même. Draper d’abord, parce qu’après huit épisodes durant lesquels on nous l’avait présentée comme un personnage particulièrement insipide et univoque (comme tout le reste du casting me diriez-vous), voilà qu’on nous la présente comme un personnage capable de douter, portée qu’elle est soudainement par un sentiment qui dépasse son propre endoctrinement. Et cet enrichissement inopiné de Draper fonctionne d’autant mieux qu’il se fait dans un contexte d’exploration d’un monde nouveau, en l’occurrence ici : la Terre. Jusqu’à présent – pendant une saison et demie – notre vision de la Terre s’était réduite à quelques paysages new-ages fréquentés par quelques aristocrates endimanchés. Or, le temps d’un épisode, la Terre révèle enfin ses populations entassées, sa pauvreté exacerbée, ses océans pollués, tout en restant perçue au travers des yeux de Draper, c’est-à-dire comme un espace riche de nouveautés et de beautés singulières. Là, enfin, la série commençait à se densifier. C’est d’ailleurs à ce moment là que la progression formelle opérée par cette saison 2 m’est apparue le plus clairement. Fini le bougisme à outrance. Finie la photographie bleutée dégueulasse. Là, on atteignait enfin quelque-chose de convenable, avec même un climax atteint lors de ce plan final de l’épisode 9 où on voit Draper assise face à l’océan – moment de décloisonnement pour elle – mais avec ce travelling arrière qui rappelle l’égout et surtout les soldats qui viennent la chercher. Ce moment là fut pour moi l’un des rares instants où la forme venait appuyer pertinemment le fond. Une richesse basique certes mais inespérée dans cette série.
Et en gros, l’espoir a tenu entre le temps des épisodes 5 à 10. Ce n’était pas un espoir énorme hein ! Je n’attendais pas le chef d’œuvre ! Mais au moins j’espérais que – une bonne fois pour toutes – cette série allait laisser derrière elle cette purge narrative qui l’avait caractérisée pendant toute la saison 1 et tout ce début de saison 2… Mais non. Avec les deux derniers épisodes. Le terrible retour sur Terre se fait sentir. « The Expanse » m’a alors bien rappelé les deux traits qui la caractérisait le mieux : l’inertie et la pauvreté d’écriture. Inerte, cette série l’est dans son incapacité à faire des choix, opérer des tournants fatidiques et résoudre ses péripéties.
Naomi va-t-elle quitter définitivement le Roci ? Bien sûr que non ! Deux épisodes plus tard, l’équipe est aussitôt reformée ! Avasarala va-t-elle mourir dans le piège tendu par Jules-Pierre Mao ? Bien sûr que non ! Un heureux hasard a voulu que Draper l’ait accompagné sans qu’on sache véritablement pourquoi. Puis un autre heureux hasard a voulu qu’on ait aussi ramené sa tenue de combat (au cas où). Puis toute une flopée d’autres heureux hasards ont permis que : 1) n’importe quel quidam puisse avoir accès aux plans du vaisseau de Mao par une simple commande vocale ; 2) qu’une trappe d’aération d’immeuble des années 50 soit présente dans la pièce ultra-moderne dans laquelle Avasarala et les siens sont tenus prisonniers ; 3) que Draper puisse se balader dans le vaisseau sans que personne ne la repère ; 4) qu’elle tombe sur une nigouse comme seul obstacle sur son chemin ; 5) qu’elle arrive à temps pour sauver Avasarala. Tout ça, en un épisode et demi. Un épisode et demi durant lequel il ne se sera donc RIEN passé. Pas de tournant. Pas de choix drastique. On reste au fond sur la même situation. C’est ce qui me fait d’ailleurs dire que – forcément – Miller ne peut pas avoir disparu de cette série après son crash sur Vénus. C’est EVIDENT.
Mais le pire dans tout ça, c’est que cette inertie n’est même pas masquée par une écriture convenable. Et je peux vous le dire – pour moi qui ressors tout juste de la saison 4 de « Better Call Saul » – il existe une différence stratosphérique entre d’un côté une série qui est certes inerte mais qui sait se reposer sur des personnages et des situations riches et d’un autre côté… ça. Parce que bon, moi je veux bien en entendre des arguments de fans amourachés, mais au bout d’un moment il va falloir argumenter un peu sur du factuel. Or, les faits, c’est que chaque personnage de cette série peut se réduire en une description de deux lignes. Miller est le policier alcoolo et peu orthodoxe mais au cœur tendre. Son amour secret (et totalement inexpliqué) pour Julie est ce qui donne un sens à son action. Holden est le chevalier bellâtre au grand cœur. Parfois son courage et son envie de protéger les siens l’amènent à faire des erreurs, mais il finit toujours par s’en rendre compte et s’en excuser ! Quel chouette type cet Holden ! Naomi est une ceinturienne intelligente et qui en a bavé par le passé. Mais elle a un grand cœur elle aussi. Et elle aidera toujours son entourage à faire le choix le plus humain ! Quelle chouette nana cette Naomi ! Quant aux autres personnages, on pourrait les décrire en moins de dix mots. Amos : c’est le gros-bras de service. Sadavir : le gros méchant aux mauvaises intentions. Johnson : le petit méchant aux gentilles intentions. Avasalarala, Draper, Alex et Prax : des PNJ qui ne sont là que pour cocher les cases de l’intersectionnalité. Et bien sûr tout ce petit monde est joué par des acteurs vraiment limités. Félicitations notamment à Steven Strett et à son jeu tout en merlan-fris qui à la bouche ouverte et le regard tourné vers le haut quand il veut faire le type énervé. Félicitations aussi à Shohreh Aghdashloo et son incapacité chronique pour trouver le bon ton et la bonne posture selon la situation. Et je n’ose même pas parler de Thomas Jane car il me semble que je me suis déjà suffisamment acharné sur lui dans la saison 1, surtout que
– bonté d’âme de cette saison 2 – elle nous le fait disparaître dès la fin de l’épisode 4 !
Et comme mon ambition n’est surtout pas l’acharnement, je ne vais pas faire une liste exhaustive des autres reproches d’écriture que je pourrais faire avec cette série. Non, à la place, je vais simplement me contenter d’un petit top 10 ! (
10 – Naomi qui quitte Holden parce qu’il a voulu exterminer la créature protogénée de Ganymède… Avant de l’inciter sans sourciller à exterminer cette même créature dès l’épisode suivant ! – 9 – Prax qui ne cesse de dire qu’il ne faut pas tuer la créature protogénée de Ganymède parce que c’est potentiellement sa fille… Puis participer dix minutes plus tard au plan de son extermination avec zèle… Avant de se rappeler son idée initiale juste au moment de passer à l’acte ! « Oups ! » – 8 – Draper qui se jette comme une morts-de-faim sur les sushis de Mao… Mais… Mais pourquoi ? La rencontre entre Mao et Avasarala est sensée être un grand moment de tension de la saison, alors pourquoi attirer notre regard sur Draper qui ne se sent plus face à des sushis ?! On nous la présente comme une militaire disciplinée ! Et jusqu’à preuve du contraire on ne l’a pas affamée ! Donc pourquoi insister aussi lourdement là-dessus ??? C’était sensé être… une blague ??? – 7 – Draper qui évoque par inadvertance la créature protogénée de Ganymède au pire ennemi de l’armée qu’elle sert… « Oups ! » – 6 – Maertens qui, pour punir Draper, lui livre ses plans secrets à voix haute et sur tablette afin qu’elle puisse, dans la seconde suivante, les lui voler et les amener à l’ennemi… « Oups ! » – 5 – Le Roci qui tient en respect deux armées planétaires à coup de « Si vous tirez eh bah je tire aussi ! » Ce moment où on aurait dû entendre cette remarque là : « Mais au fait cap’tain, vu qu’on peut dézinguer leurs missiles avec notre mitrailleuse, eux aussi ils peuvent dézinguer nos missiles, non ? …Et ils sont un chouilla plus nombreux que nous. Donc pas sûr qu’à ce petit jeu on soit gagnants, vous croyez pas ? –Euh …Oups ? » – 4 – Le personnage de Roma… « Bonjour je suis Roma, je détiens tous les secrets et toutes les réserves de bouffe de Ganymède mais je suis seul chez moi, sans garde, et j’accueille sans méfiance plein de gens armés chez moi ! Que voulez-vous ? – On veut les secrets de Ganymède. – Pas question que je vous les donne ! – Pif paf pouf ! – Ouin ! Vous m’avez tapé ! Laissez-moi vous donner tous les secrets de Ganymède ! – 3 – Les supers plans de la capitaine du Somnambule… « Eh toi ! Le mec baraqué ! Contiens cette centaine de personnes hystériques en respect juste avec ta grosse batte et tes discours larmoyants ! – Pas de problème m’dame ! » …Et ça marchera. – 2 – L’interlude des moteurs Epstein… Oui… Ils ont fait une back-story sur des moteurs… Back-story qui ne t’apprend juste qu’une seule chose : c’est que les moteurs Epstein, eh bah s’ils s’appellent comme ça, c’est parce que – attention roulement de tampours – c’était le nom du gars qui les a inventé ! Tad dah ! Utilité de cette information : nulle. Nombre d’épisode où on fait référence aux moteurs Epstein dans toute la saison : un. – 1 – And ze winner iz… Le vaisseau mormon ! Oui ! Un [mot vulgaire qu’Allociné censure] de vaisseau mormon ! Non mais les gars ! Non seulement vous ne savez pas écrire mais en plus vous nous faites de la propagande religieuse pour les Mormons ! Woooh ! Worst Idea Ever ! »
) Enfin bref… Comme vous l’aurez vu, cette saison pourrait me faire débiter des pavés entiers tant il y a de choses à dire sur/contre elle ! …Et c’est presque ça qui lui vaut au final le fait que je lui conserve cette note presque conciliante de 2/5. Bah ouais. Parce qu’au fond, si tout était à jeter je pense que je me serais juste contenté de dire que c’était du brun et qu’il n’y avait rien à sauver là-dedans et basta… Seulement voilà, ce qui m’ennuie avec cette saison 2 de ce « The Expanse » c’est que tout n’est pas à jeter justement. Faire une série de SF limitée au système solaire comme dans « Cowboy Bebop » c’était vraiment une idée sympa. Pas nouvelle mais sympa. De même, vouloir aborder cette conquête de l’espace selon un angle « plausible » à la « Trilogie martienne » de Stanley Robinson, c’était aussi une idée sympa. Pas nouvelle mais sympa. Et puis enfin, vouloir agglomérer à tout ça un élément extraterrestre qui viendrait totalement recomposer les perceptions et les équilibres politiques humains comme, franchement ça aussi c’était une idée sympa. Seulement voilà. Pour moi, avoir quelques bonnes idées c’est bien, mais savoir les développer c’est quand même largement mieux. Et autant je peux comprendre les nostalgiques de « Battlestar Galactica » qui sont en manques de grandes sagas dans l’espace, autant je trouve que c’est bien se contenter de peu que de satisfaire de cette série certes pétrie de bonnes intentions mais assez calamiteuse dans sa forme et son propos. Pour moi en tout cas, l’aventure s’arrêtera sûrement là. Mais bon… Après, ça ne reste que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)