Excellente série SF, avec enfin un bon paquet de "réalisme" scientifique comparé aux space-opéra habituels : il faut plus chercher des similitudes du côté d'Interstellar et Battlestar Galactica que du côté de Star Trek et autre SG-1.
Notons quand même que les producteurs n'ont pas osé supprimer totalement le son dans l'espace, même si on ne verse pas dans le piou-piou-boum-boum à la Star Wars non plus. Les raisons sont simples et classiques: pour des questions d'ambiance et d'accroche, il est difficile (et donc très risqué) de créer des scènes époustouflantes dans un silence complet ou avec une simple musique pour meubler (certains ont essayé, avec plus ou moins de succès).
Le contexte est celui d'un futur "proche", où le système solaire commence à peine à être à notre portée, mais on ne peut pas encore s'aventurer à des années lumières non plus. C'est assez rare pour être signalé : pas de téléportation, de vitesse lumière (on va quand même plus vite), de gravité artificielle (sans accélération/rotation), d'extra-terrestres, de terraformation, d'IA/robots à tous les étages et autres armes lasers.
Les problématiques sont celles qu'on peut imaginer si on est logique : l'eau et l'air valent plus que tout le reste, les déplacements prennent en compte la situation des astres sur leurs orbites, les moyens de communication et les voyages peuvent donc être très longs, les déformations des humains ayant grandi dans un environnement à faible gravité ont engendré une sorte de xénophobie entre les habitants des "grosses planètes" (Terre et Mars) et ceux de la ceinture d'astéroïdes, la difficulté de gouverner des zones si distantes les unes des autres, la naissance de langages corporels et oraux propres à la vie dans l'espace, etc.
L'espace, c'est avant tout le vide glacial et impitoyable où la gravité et l'accélération sont des forces meurtrières si on n'est pas vigilant et que le concept de "freinage" n'existe pas (on se tourne dans l'autre sens et on pousse les moteurs à contre sens, les mouvements exigent de libérer de la matière pour créer une force opposée pour créer une poussée, etc). Pour la même raison, les vaisseaux, bien que très "classe" pour des raisons télévisuelles, n'ont que faire des notions d'aérodynamique, un gros cube n'ira pas moins vite qu'un missile profilé dans le vide spatial.
Visuellement, c'est au top, on peut difficilement trouver mieux en termes d'effets spéciaux et de photographie, à part les séries au budget astronomique d'HBO. C'est clairement un ton au dessus par rapport aux autres séries SyFy et probablement ce qui se fait de mieux en S-F aujourd'hui.
Le complot est vécu via le point de vue d'un équipage improvisé de "survivants", seuls témoins d'un évènement qui va être le déclencheur de tensions politiques et militaires dans tout le système solaire. Tensions qu'on observera aussi grâce au point de vue d'un détective de la ceinture d'astéroïdes (tous les codes du polar sont là, pas très original mais ça fonctionne) mais aussi d'une politicienne terrienne au caractère bien trempé.
Sans être très complexe, ce n'est pas non plus un scénario popcorn, il faut suivre un minimum et accepter de recevoir certaines infos au compte goutte pour les comprendre plus tard ou devoir relier les points soi-même en attendant. C'est la SEULE et UNIQUE comparaison valable avec Game of Thrones (auquel The Expanse a été à tort comparé sous prétexte qu'il est question de politique et d'équilibre de pouvoir entre les factions, alors que cet aspect y est contextuel et beaucoup moins important), en effet, il faut s'investir un minimum pour rentrer dans l'histoire, comprendre ce qu'il se passe et en apprécier la profondeur. Sinon, on a vite l'impression de se faire balader d'un coin à l'autre sans piger les tenants et aboutissants reliant les différents points de vue, surtout au début. Après, ça devient plus simple car l'étau se resserre sur le complot et les choses s'éclaircissent.
Le casting est très bon, il fonctionne, peu de têtes connues mais les sérievores et cinéphiles reconnaîtront néanmoins pas mal de visages déjà croisés ailleurs : Thomas Jane (Punisher, The Mist, La ligne rouge), Shohreh Aghdashloo (Star Trek Beyond, 24h Chrono), Chad Coleman (TWD, The Wire, Arrow), Jared Harris (Fringe, Mad Men), Brian George (Big Bang Theory)...