Baskets : "You look like a clown, but you're not a clown"
La série Baskets, co-écrite par Louis CK et Zack Galifianakis (qui tient aussi le rôle principal), offre un des meilleurs incipit sériel de l'année. Pourtant boudé par la critique.
Saison 1, pilote : Le clown américain Chip Baskets (nom de scène, Renoir) essaie d'impressionner son prétentieux professeur de L'Académie de Clowns Français. Muni d'un voile, il rate son mime allégorique, et se mouche. Le prof le traite de Ronald McDonald.
Déconvenue pour le héros, l'ouverture de Baskets est surtout un prétexte stylistique (quelque chose comme un brin de Fellini filmé par Judd Apatow) et scénaristique. Flashback métaphorique, l'épilogue inscrit notre clown dans un va-et-vient mental - qui opèrera tout au long de la saison - entre son présent prosaïque en terre maternelle (Bakersfield, Californie) et son passé sulfureux au pays du Mime Marceau.
Le souvenir de Paris et de ses rues pavées est une comparaison au potentiel comique. L'épisode 4 se réinstalle en France et bombarde de clichés envahis par la fantaisie clownesque.
Non diplômé donc, affublé d'une Frenchie désoeuvrée à la recherche d'une Green Card (Penelope), Baskets rentre au bercail.
Tous les jours, il se rend au boulot dans un stade de rodéo en rollers (il a planté son scooter). Tous les jours, sa femme le fout dehors du Motel (préférant un musclé féru de TV plasma). Tous les jours, il se rapatrie chez sa mère boulimique.
Coup de génie de la série : Mama Baskets. Remarquablement interprété par Louie Anderson déguisé en femme, Mama Baskets a une hygiène de vie rodée : télé-donuts-célébrités. Plus vive en réalité, elle a enterré son homme dans du ciment au bord de la nationale, près de la voie ferrée d'où il s'est jeté, et a vu partir sans se retourner ses jumeaux adoptés. Elle s'occupe désormais des finances et des amours de son clown de cadet.
Car l'argent ne reste pas dans les poches de Chip. Dans cette série qui mature les questionnements de jeunesse (ne pas rentrer dans le rang, aller au bout de ses rêves), aspirations et économies ne font pas bon ménage. Le frère jumeau de Chip, interprété par le même acteur, se gargarise de sa réussite financière dans l'entrepreunariat. Jusqu'au moment où il craque, et reconnaît n'avoir pas réalisé ses rêves. Les jumeaux sont deux versions pathétiques de la quête d'épanouissement.
Où qu'il soit, Chip n'est jamais chez lui. Chez Penelope, chez sa mère, au centre de l'arène. Même quand il circule, il est emprunteur (d'une vie de mec cool, californien, en mini-short). Il s'avance vers la quarantaine, convaincu d'une seule chose : il EST un clown.
La série Baskets observe le principe opératoire du ridicule. Comment le ridicule se manifeste socialement, comment il se conjugue, ou au contraire, s'entretient. Chip n'a pas pleinement conscience des humiliations qu'il vit. Il déjoue la honte par le grotesque. C'est sur cette ambiguité que repose le travail en "dramédie" de Louis CK. La sentence de Pénélope : "you look like a clown, but you're not a clown", résume à merveille cette ambiguité.
Baskets s'inscrit dans la tradition américaine du rire de l'ordinaire, des petits riens (Jerry Seinfield). Tradition couplée à l'attachement des comédies aux loosers arrogants (Kenny Power, Arrested Development). A Louie, héros fatigué de la série de Louis CK, Baskets emprunte le caractère "compressé" (passé sous rouleau compresseur), figé dans sa nullité.
Sauf que Louie n'a pas de souffre-douleur, alors que Chip a Martha (sensationnelle Martha Kelly). Agent d'assurance à la voix de craisselle, accompagnatrice docile de road trips fumeux, Martha est la femme que Chip pourrait avoir mais qu'il a décidé ne pas voir.
La saison se termine sur une révélation de Martha qui propulse Chip vers un ailleurs.
Baskets, c'est l'idéalisme triste du fastfood. Ou l'onirisme du ratage, pour les vegan. Le rêve américain, version paillettes et purin.