"Transparent", petite série discrète produite et diffusée par Amazon, est tout simplement ce que j'ai vu de plus beau et de plus juste, de plus sincère et de plus bouleversant depuis... la naissance de la série TV moderne ? Quelque part entre les moments les plus subtils de "Six Feet Under" (la contemplation incroyablement empathique d'une famille dysfonctionnelle) - série emblématique d'où vient la créatrice de "Transparent", Jill Soloway -, l'incontournable humour juif de Woody Allen, et le filmage "Indie" que "Girls" a déjà tenté avec succès, voici 10 épisodes de 30 minutes qui constituent 5 heures d'une sorte de nirvana émotionnel que nous désespérions d'atteindre un jour. L'extrême délicatesse avec laquelle est traité le thème de la difficulté d'être "autre" dans une société encore furieusement normée - même si nous sommes ici dans la Californie blanche, riche et intellectuelle qui semble a priori plus avancée en matière de genres que, disons, la Sarthe fillonniste - a quelque chose du miracle. Il suffit d'ailleurs de 30 secondes d'un générique qui vous serre le cœur à chaque fois, qui semble construit avec de vieux films familiaux (ceux de la famille de Soloway, dont "Transparent" est paraît-il inspiré ?) pour saisir l'ampleur de ce qui a été tenté et réussi ici : parler de nous, de nos ambiguïtés, de nos désirs comme de nos lâchetés, tout en dressant un panorama pertinent de l'état de la sexualité et de l'identité en ce début de siècle... Le tout en nous faisant rire avec (et non pas contre, bien entendu) des personnages ordinaires, souvent irritants, parfois pathétiques, s'égarant dans des situations absurdes, voire grotesques, mais surtout terriblement perdus dans le labyrinthe de leurs doutes et de leurs passions. Cette première saison, qui touche en plein cœur sans aucun effet de pathos (même si l'utilisation du "Razor Love" de Neil Young dans l'un des épisodes m'a amené au bord des larmes..), n'est pas loin du chef d’œuvre absolu.