Excellente série sur la forme, écriture vive et serrée, pas de temps morts. Acteurs de bons à excellents. Un vrai succès pour la fiction française. En revanche, sur le fonds, que d’erreurs -qui auraient facilement pu et auraient du être évitées- et surtout que de caricatures et d’emprise d’une certaine idéologie certes peu étonnante sur Arte. Il y aurait donc ainsi d’un côté les méchants conservateurs – séniles / obsédés par le pouvoir et l’argent / carriéristes / égoïstes – et de l’autre les gentils progressistes – ouverts / généreux / impliqués dans les luttes sociales / désintéressés -. La réalité est tout de même plus complexe, les individus ne sont pas tout blancs ou tout noirs.
Et puis l’Eglise en France aujourd’hui dans sa jeunesse notamment est bien différente du portrait qui en est dressé. Si il est certain que le clergé de plus de 60 ans (et il est nombreux du fait de la crise des vocations) est encore souvent marqué par un progressisme dont on connait aujourd’hui les ravages et le bilan dramatique, la génération intermédiaire de prêtres (40 à 60) ans en est revenu. Quant à la jeune génération, et notamment chez les séminaristes, elle est souvent bien plus “conservatrice” que ne le souhaiterait l’actuelle hiérarchie de l’Eglise en France.
On connaît la boutade qui voudrait que la plus grande crainte des supérieurs de séminaires soit que chaque séminariste cache dans son placard une soutane qu’il pourra enfin porter le lendemain de son ordination… On revoit d’ailleurs de plus en plus de jeunes prêtres portant une soutane, en permanence ou occasionnellement, dans un souci non seulement identitaire mais aussi de visibilité et de témoignage dans une société française s’éloignant de plus en plus de la religion catholique. Pour témoigner aussi de la nécessité d’un retour à une plus grande verticalité (Dieu, le spirituel) par opposition à une horizontalité (les hommes, le social) qui avait fini par faire oublier la dimension première de la branche la plus grande de la Croix.
Enfin on constatera pour le déplorer que dans cette série, Dieu est tristement absent. Les séminaristes que l’on nous montre se cherchent -ou se fuient – bien plus qu’il ne semblent chercher Dieu. Ils sont tristes, déprimés, perdus. Là encore on est loin de la réalité et il y a un parti-pris qui dérange. Oeuvre de fiction dira-t-on. Certes mais il est dommage que ce soit des déformations qui vont toujours dans le même sens…..
Si l’on veut une vision non plus de fiction mais documentaire, on regardera avec intérêt le très reconnu documentaire “Des hommes à part” réalisé en 2010 et disponible en DVD et parfois diffusé sur KTO. Certes pas représentatif d’un séminaire français “ordinaire” puisqu’il s’agit de séminaristes de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre, traditionalistes mais pas intégristes. On y voit de vrais séminaristes, joyeux, suivant une formation (trop?) exigeante. Un petit aperçu de moins d’une minute: http://www.dailymotion.com/video/xhx6gr_des-hommes-a-part_webcam
Si Arte était une chaîne plus pluraliste, elle diffuserait ce documentaire reconnu. Et organiserait un débat à la suite de la diffusion de la première saison de cette série en effet passionnante par son sujet et par par sa forme, mais si discutable, caricaturale et même erronée sur le fonds.