Né le 4 avril 1932 à New York City et fils unique, Anthony Perkins est orphelin à l’âge de cinq ans. Son père, Osgood Perkins, était un comédien de théâtre jouissant d’une certaine notoriété à Broadway, faisant occasionnellement l’acteur au cinéma, notamment dans le Scarface de Howard Hawks où il incarnait le pathétique gangster Lovo. Elevé par une mère au foyer à Boston où elle s’est installée, le jeune Anthony manifeste dès son adolescence l’envie de devenir comédien. Après de modestes débuts sur les planches à Broadway, il fait ses premiers pas au cinéma en 1953 en décrochant le rôle du fiancé de Jean Simmons dans The Actress, une comédie dramatique signée George Cukor.
Commence pour lui une décennie gratifiante pour sa carrière. Jouant de son physique de jeune premier à la voix douce, il livre des compositions de personnages tantôt égoïstes, naïfs, inexpérimentés ; parfois même antipathiques, mais toujours attachants. En 1956, il donne la réplique à Gary Cooper et Dorothy McGuire dans La Loi du Seigneur de William Wyler, Palme d’or à Cannes en 1957, et obtient avec ce film la seule citation à l’Oscar de sa carrière : celle du Meilleur second rôle.
La même année, il incarne un shérif timoré chaperonné par Henry Fonda dans Du sang dans le désert, un western mineur bien que signé par Anthony Mann. Puis il prête ses traits au joueur de baseball Jim Piersall, personnage à la fois fragile et torturé de Prisonnier de la peur. Une composition importante, qui incite d’ailleurs trois ans plus tard Alfred Hitchcock à lui confier le rôle de Norman Bates dans Psychose. Une de ses meilleures performances de ces années-là reste son incarnation de Joseph Dufresne face à Silvana Mangano dans Un Barrage contre le Pacifique ; adaptation de l’œuvre de Marguerite Duras et curieuse coproduction italo-américaine signée René Clément. Plus étonnant sans doute est sa carrière de Crooner qu’il mène avec un certain succès en parallèle dès le milieu des années cinquante, où il reprend sur un air Jazzy des standards de l’époque.
Sa carrière bascule en 1960, lorsque le maître du suspense lui offre le rôle-titre de son seul film d’horreur tourné en noir et blanc : Psychose. Perkins y joue le rôle de Norman Bates, jeune tenancier d'un motel perdu affligé d’un terrible dédoublement de personnalité, qui provoque en lui de violentes pulsions meurtrières, dissimulées derrière un visage d'ange et des manières affables. A l’origine commande pour la télévision et dotée d’un faible budget, "Psychose" se révèle être le film le plus rentable du cinéaste avec près de 50 millions de dollars de recettes au Box Office mondial. L’interprétation magistrale de Perkins, qui incarne son personnage avec un mélange de violence et de douceur, tétanise les spectateurs et la critique, au point que cette dernière en vient parfois à confondre son travail d’acteur et son personnage, plongeant l’intéressé d’abord dans l’embarras puis le mutisme : il refuse ainsi plusieurs mois après la sortie du film de répondre à toute question sur son incarnation de Norman Bates.
C’est en Europe qu’il va chercher son bol d’oxygène dans la décennie des années soixante, en acceptant de tourner dans des coproductions internationales franco-américaines comme Aimez-vous Brahms ? d’Anatole Litvak, qui lui vaudra d’ailleurs un Prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes. Orson Welles fait également appel à lui pour jouer Joseph K. dans son adaptation du Le Procès, d’après l’œuvre de Franz Kafka. Au cours de sa période européenne, l’acteur tourne aussi sous la direction d’André Cayatte (Le Glaive et la balance, 1962) ; Edouard Molinaro (Une Ravissante idiote, 1963), ou encore Claude Chabrol dans Le Scandale (1966) et La Décade prodigieuse (1971).
Pourtant, après 1962, peu de films de l’acteur restent des références, littéralement éclipsés par le poids écrasant de sa composition dans "Psychose", dont il ne parvient pas à se défaire. S’il joue sous la direction de René Clément (Paris brûle-t-il ?, 1965), John Huston (Juge et Hors-la-loi, 1972) ou Sidney Lumet dans Le Crime de l'Orient-Express (1974), considéré d’ailleurs comme une des meilleures adaptations de l’œuvre d’Agatha Christie, il se contente le plus souvent d’un petit rôle au milieu d’une foule d’autres stars. En 1979, il s’essaie même à la SF chez Disney avec Le Trou noir, qui reste un des échecs les plus cuisants pour le studio. En 1983, poussé par le studio Universal, il accepte de tenir à nouveau le rôle de Norman Bates dans Psychose II, censé se dérouler 22 ans après les événements décrits dans le chef-d’œuvre d’Alfred Hitchcock, et partage l’affiche avec Vera Miles, qui reprend le rôle de Lila Crane tenue dans le film de 1960. Trois ans plus tard, en 1986, il accepte à contrecœur de réaliser Psychose III. Mais Perkins n’est pas réalisateur, et le film est un échec critique et commercial sans appel. En 1990, il reprend une fois de plus et de trop son rôle dans Psychose IV, mais dans un film destiné au marché de la vidéo.
Très discret sur sa vie privée, il donne ainsi le change à la Presse qu’il trouve trop insistante : "Il y a un secret pour garder sa vie privée. Ne jamais faire croire qu’on a quelque chose à cacher, et donner seulement 1/10e de la réponse à la question". Pourtant, l’acteur, qui a contracté le virus du SIDA à l’époque du tournage de Psychose III, dissimule si bien sa maladie que certains de ses proches n’en apprennent l’existence que peu de temps avant son décès, qui survient le 12 septembre 1992. "J’ai plus appris sur l’amour, le don de soi et les relations humaines des gens que j’ai pu rencontrer dans cette grande et terrible aventure du SIDA, que je n’en ai jamais appris dans ce monde de coupe-gorges et de compétitions dans lequel j’ai passé ma vie entière", dit-il au crépuscule de sa vie, avant d’être emporté par une pneumonie à l’âge de 60 ans.
Auteur : Olivier Pallaruelo