Fille d'un Calabrais qu'elle n'a pas connu, Anna Magnani grandit à Rome auprès de sa grand-mère, de son oncle et de sa tante, car sa mère est partie vivre en Egypte quelques mois après sa naissance. Inscrite au conservatoire de Sante Cecilia, où elle apprend le piano pendant 8 ans, elle intègre ensuite l'Ecole royale d'art dramatique. Engagée par une troupe à 20 ans, elle se fait remarquer sur les planches, d'abord dans des rôles comiques. Elle devient une vedette de la scène, jouant et chantant dans des revues, aux côtés notamment de l'illustre Totò.
Si elle fait son apparition au cinéma dès 1928 dans Scampolo, ses premières prestations sur grand écran passent inaperçues. Remarquée pour son rôle d'artiste de music-hall dans Mademoiselle Vendredi de Vittorio De Sica, Anna Magnani s'impose vraiment dans l'univers du 7e art grâce à sa bouleversante composition de veuve dans Rome ville ouverte de Roberto Rossellini (1945) -elle approche alors la quarantaine. Devenue la compagne du réalisateur, elle est dirigée par celui-ci dans le diptyque L'Amore (1948), qui inclue le monologue de Cocteau La Voix humaine. Si son authenticité fait merveille dans les oeuvres néo-réalistes (L' Honorable Angelina), l'actrice, très sollicitée, est toujours aussi à l'aise dans la comédie (Abbasso la ricchezza!). A la fin des années 40, elle reprend des rôles interprétés par la diva Francesca Bertini dans deux remakes de films muets.
Rossellini parti tourner Stromboli avec Ingrid Bergman, sa nouvelle conquête, Anna Magnani se venge en jouant dans Vulcano de William Dieterle en 1950. Elle fait bientôt deux rencontres majeures : Luchino Visconti, pour qui elle incarne une mère prête à tous les sacrifices dans Bellissima, oeuvre cruelle sur les rêves de célébrité ; puis Jean Renoir, qui lui offre le rôle de Camilla, comédienne de théâtre haute en couleurs dans Le Carrosse d'or, film incompris à sa sortie. Réclamée par Hollywood, la Magnani part y tourner La Rose tatouée, d'après une pièce écrite pour elle par Tennessee Williams. Ce nouveau personnage de veuve flamboyante lui permet d'être la première actrice italienne lauréate d'un Oscar en 1957. Elle sera ensuite la partenaire d'Anthony Quinn dans Car sauvage est le vent de George Cukor (1958) puis de Marlon Brando dans de Sidney Lumet (1960). Poursuivant en parallèle sa carrière en Italie, elle incarne une nonne dans Suor Letizia (avec à la clé un Prix d'interprétation à Venise en 1956) avant de retrouver son vieux complice Toto dans une comédie signée Mario Monicelli (Larmes de joie, 1960) et de trouver son dernier rôle marquant, celui de Mamma Roma, prostituée en quête de rédemption, devant la caméra de Pier Paolo Pasolini en 1962. Les propositions intéressantes se font ensuite plus rares pour Anna Magnani, qui tourne de moins en moins. Appréciée pour ses prestations dans des téléfilms au début des années 70, elle joue son propre rôle dans Fellini Roma de Fellini en 1972. En 1973, des milliers d'Italiens assistent à l'enterrement de celle dont Tennesse Williams dira en 1988 : "Le visage d’Anna Magnani est celui de la réalité invincible, et sa beauté si profonde qu’il parait mêler la souffrance à l'extase." (1)(1) cité dans le livre collectif Anna Magnani, Fabbri editori/Centre Georges Pompidou, 1989