Cinéaste atypique et maudit, Peter Watkins tient une place à part dans l'industrie du cinéma - celle de trouble-fête. Après des débuts comme comédien pour une petite troupe théâtrale, et une expérience de mise en scène avec un court-métrage, The Web, il est embauché par la société George Street and Company pour produire et réaliser des spots publicitaires. Cette expérience forme son sens critique. Il devient ensuite assistant monteur chez World Wide Pictures, boîte de production documentaire, où il apprend la technique.
Pacifiste affirmé, Peter Watkins fait de la guerre son sujet de prédilection pour mieux en souligner les absurdités. Après deux courts-métrages, Journal d'un soldat inconnu et Les Visages oubliés, ayant pour contexte respectivement la Première Guerre mondiale et la révolution hongroise anti-communiste, il réalise son premier téléfilm, La Bataille de Culloden, reconstitution de la sanglante bataille écossaise de 1746. La BBC lui commande alors un documentaire sur le nucléaire. Le résultat est La Bombe, où le cinéaste imagine le déclenchement d'une guerre entre l'OTAN et l'URSS et les suites desastreuses d'une explosion atomique. Cette tentative marque la première vendetta critique des médias envers le réalisateur : la BBC refuse de diffuser le film, prétextant sa piètre qualité.
Autre cible privilégiée de Peter Watkins : l'hégémonie des mass-médias. Avec Privilege en 1966, il fabrique une allégorie virulente sur la manière dont les médias et l'establishment britanniques concourent à détourner l'énergie politique de la jeunesse. La nécessité de construire un discours critique sur les médias devient alors son cheval de bataille : durant ses années de nomadisme, à partir de 1968, il enchaînera conférences et séminaires sur l'unilatéralisme des médias de masse - ce qu'il appelle la "monoforme".
Exténué par l'accueil glacial réservé à ses films, Peter Watkins s'installe en Suède en 1968. Il y tourne Les Gladiateurs, fable politique autour de combats de soldats organisés pour canaliser l'agressivité humaine. Son discours sur la violence atteint son paroxysme avec Punishment Park, tourné aux Etats-Unis, qui dénonce la politique répressive de l'ère Nixon. Le film fait scandale et se voit retiré de l'affiche seulement quatre jours après sa première à New York. Il déménage ensuite en Norvège pour une biographie du peintre expressionniste Edvard Munch, que le cinéaste traite comme une autobiographie en creux. C'est la seule fois où l'un de ses films est accueilli avec chaleur.
Avec Le Voyage, film pacifiste international, qu'il tourne de 1983 à 1986, Peter Watkins épuise ses envies de réalisation. Fatigué, il s'installe en Lituanie en 1994 pour y vivre paisiblement. En 1999, le projet de La Commune, co-financé par Arte, lui donne l'occasion de reprendre temporairement ses activités. Mais, une nouvelle fois, l'accueil critique est mauvais, la chaîne française accusant le cinéaste d'avoir crée un "fiasco".
Artiste avant-gardiste, Peter Watkins est surtout l'inventeur de principes cinématographiques audacieux : ses films dénoncent la "monoforme" (uniformisation de la forme télévisuelle et cinématographique) par des auto-interviews, des mélanges entre fiction et documentaire, et un style visuel atypique, qui s'affranchit de toutes les formes narravites et esthétiques convenues. Détesté des médias, Peter Watkins est devenu un modèle pour plusieurs générations contestataires.