Véritable pionnier du septième art, maître du muet et de la comédie hollywoodienne, l'Américain Allan Dwan a marqué l'histoire du grand écran. Et pas seulement parce qu'il laisse derrière lui une oeuvre improbable de près de... 400 films ! Né Joseph Aloysius Dwan à Toronto, il effectue des études scientifiques à Chicago qui l'amènent à devenir ingénieur dans l'électromécanique. A priori, rien ne le destine véritablement à travailler dans le cinéma, mais lorsqu'il conçoit une lampe à vapeur de mercure, les studios Essanay l'embauchent pour qu'il crée un éclairage pour les salles de projections. Nous sommes à l'aube du 20e siècle. Un peu par hasard, il devient ainsi l'un des pionniers du cinéma, qui en est encore à ses balbutiements.
D'abord technicien, il réalise vite qu'il aime écrire et signe des scénario pour l'American Film Manufacturing Company. Puis il franchit un cap de manière spectaculaire : de 1911 à 1914, il réalise en Californie près de 300 petits films, souvent d'une seule bobine et souvent des westerns. Sa réputation grandit et il est embauché par le studio Universal, pour qui il réalise en 1914 "Richelieu", son premier long métrage. Il intègre ensuite la compagnie Triangle, dirigée par D.W. Griffith, un cinéaste qu'il admire et avec qui il va s'employer, mine de rien, à "créer" le cinéma américain. Technicien derrière le plan à la grue d'Intolérance (1916), Allan Dwan travaille avec Norma Talmadge pour "Panthea", puis connaît la gloire en dirigeant Douglas Fairbanks dans Un Nouveau d'Artagnan puis, surtout, Robin des Bois (1922), classique du cinéma muet.
Au sommet avec Robin des Bois, Allan Dwan dirige alors les plus grandes stars de l'époque de l'âge d'or du cinéma muet américain : il retrouve Douglas Fairbanks à plusieurs reprises (Le Masque de fer, "Le Métis"), collabore avec les actrices Gloria Swanson ("Zaza", "Scandale"), Mary Pickford ("Romance d'autrefois") ou Joan Crawford (Tide of Empire). Pour le cinéaste, qui signe chez la Fox en 1926, c'est une période faste. Mais l'arrivée du cinéma parlant à la fin des années 20 le met un peu en retrait.
Dans les années 30, Allan Dwan, s'il est moins en vue, parvient néanmoins à s'illustrer en dirigeant Shirley Temple à deux reprises, dans Heidi (1937) et Mam'zelle vedette (1938), ainsi qu'en mettant en lumière le trio comique des Ritz Brothers (Le Gorille). Le film historique à gros budget Suez, porté par Tyrone Power et Loretta Young, relance un peu sa carrière, mais la qualité de ses productions est trop inégale. Rattaché au petit studio Republic, l'Américain, toujours aussi actif, doit attendre de diriger Natalie Wood dans Driftwood (1947) et surtout John Wayne dans le célèbre film de guerre Iwo-Jima (1949), son plus grand succès, pour revenir sous les feux de l'actualité.
Allan Dwan, qui a jeté les bases du septième art en régnant sur le cinéma muet, pose sa patte classique, son savoir faire indéniable, sur quelques films des années 50, d'un genre à l'autre, avec une belle aisance. Il revient au western avec La Reine de la prairie, où il dirige Barbara Stanwyck et Ronald Reagan, puis avec Le mariage est pour demain. Mais il aborde également le film noir avec Le Bord de la riviere et Deux Rouquines dans la bagarre. En 1961, preuve d'un éclectisme étonnant, il touche à la science-fiction avec le minimaliste The Most Dangerous Man Alive. Il s'agit de son ultime film, Allan Dwan s'éloignant alors définitivement des studios après un demi-siècle d'activité dans le monde du cinéma.
Biographie rédigée par Clément Cuyer