Bourvil, de son vrai nom André-Robert Raimbourg, doit son appellation de scène à Bourville, village normand dans lequel il s’installe dès l’âge de trois ans avec sa mère. Adolescent, il commence à travailler comme boulanger, mais le chant le passionne davantage. Il reprend d’abord à son compte le répertoire de Fernandel avant de composer des titres de son propre cru. Monté à Paris avec son épouse, il participe, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, à des radio-crochets, puis, démobilisé en 1940, il écume les cabarets et se fait également connaître sur les ondes de Radio Luxembourg.
Sa première apparition marquante au cinéma, il la doit au film La Ferme du pendu (1945) de Jean Dréville, et surtout à la chanson Les Crayons qu’il y interprète benoîtement. Très vite, Bourvil va se retrouver cantonné dans des personnages qui se distinguent par leur gentillesse, leur bonhommie, voire leur naïveté. C’est notamment le cas dans Le Passe-muraille (1951) et Le Trou normand (1952), comédies toutes deux réalisées par Jean Boyer, ainsi que dans des films de cape et d’épée où il peut servir de solide faire-valoir : Les Trois Mousquetaires (1953), Cadet-Rousselle (1954), Le Bossu (1960) ou encore Le Capitan (id.). Mais il est également capable de jolies prestations à contre-emploi : mesquin et oppressant à l’égard de Michèle Morgan dans Le Miroir à deux faces (1958), il est tout aussi fourbe en Thénardier dans la version des Misérables (1957) de Jean-Paul Le Chanois.
En 1954, dans Poisson d'avril, il fait une rencontre déterminante en la personne de Louis de Funès, un comédien qui est son diamétral opposé à l’écran : autoritaire, colérique, énergique. Les deux hommes se retrouveront le temps d’une scène culte dans La Traversée de Paris, long métrage pour lequel Bourvil remportera la Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine au Festival de Venise en 1956, puis dans Le Corniaud (1964) et La Grande vadrouille (1966), deux énormes succès de la comédie populaire signés Gérard Oury. Même si leur jeu et leur façon d’appréhender leurs personnages obéissent à des tempos différents, les deux acteurs s’apprécient énormément. Au point que Bourvil demandera, malgré une différence de cachet considérable avec Louis de Funès, à ce que le nom de ce dernier apparaisse au même niveau que le sien sur l’affiche du Corniaud. Fernandel, Lino Ventura et Jean-Paul Belmondo sont aussi de formidables compagnons de jeu pour le comédien qui les côtoie tour à tour sur les tournages de La Cuisine au beurre (1963), Les Grandes gueules (1965) et du Cerveau (1968).
Autre personnalité à laquelle est souvent associé Bourvil : Jean-Pierre Mocky, cinéaste réputé fantasque et as de la bricole. Sous sa direction, il interprète des rôles pour le moins originaux : Un drôle de paroissien (1963) pilleur de troncs d’églises, un inspecteur traquant une bête imaginaire dans La Grande Frousse (1964), un enseignant anti-télé dans La Grande lessive (1968) ainsi qu’un vétérinaire se portant au secours d’une femme délaissée dans L'Etalon (1969). Au début des années 1960, la popularité de Bourvil dépasse les frontières françaises, au point qu’il se voit proposer la possibilité d’intégrer le casting international du Jour le plus long (1962) et de donner la réplique à des stars américaines telles que Henry Fonda (Guerre secrète, 1965) ou William Holden (L'Arbre de Noël, 1969).
C’est à la fin du tournage des Cracks (1968) que Bourvil apprend qu’il est atteint d’une forme de cancer hématologique, la maladie de Kahler. La dernière année de sa vie, il délivrera l’une de ses plus belles performances, celle du commissaire Mattei, dans Le Cercle rouge (1970) de Jean-Pierre Melville, et s’illustrera dans Le Mur de l'Atlantique (id.), un tournage particulièrement difficile pour l’acteur est soumis à de régulières piqûres de morphine. Décédé le 23 septembre 1970, Bourvil avait notamment pour projets de retrouver Louis de Funès et Gérard Oury pour une comédie en costumes intitulée… La Folie des grandeurs.