Issu d'un milieu aisé, Preston Sturges passe son enfance entre Chicago et Paris. Alors qu'il n'est qu'un petit garçon, il goûte déjà aux joies de la vie artistique en accompagnant en tournée la troupe de danse d'une amie de sa mère. Après avoir servi son pays dans l'armée de l'air durant la Première Guerre mondiale, il multiplie les boulots, travaillant dans les cosmétiques ou s'improvisant inventeur. C'est à la fin des années 20, alors financièrement fragile, qu'il commence à écrire pour le théâtre.
Si ses premières pièces rencontrent un joli succès à Broadway, Preston Sturges rencontre néanmoins des difficultés financières à les monter. Il décide alors de tenter sa chance à Hollywood. Un choix osé mais gagnant, car il devient rapidement un scénariste très couru. Dans les années 30, ses talents de conteur, son humour, son sens du dialogue séduisent des cinéastes comme Mitchell Leisen (Remember the Night, 1940), William K. Howard ("The Power and the Glory", 1933) ou encore William Wyler (La Bonne fée, 1935). Il est également à l'aise dans le registre de l'adaptation, comme sur Princesse par intérim (1933) et La Vie facile (1937) ou lorsqu'il porte Tolstoï à l'écran avec le Resurrection de Rouben Mamoulian, en 1934. Celui qui est considéré comme l'un des premiers grands scénaristes de l'histoire du cinéma, se sent bientôt à l'étroit dans son rôle de scénariste de luxe. Ce qu'il veut, désormais, c'est passer derrière la caméra.
Fort de sa situation, Preston Sturges parvient à convaincre les studios Paramount Pictures de lui faire signer un contrat de deux films. En 1940, les comédies Le Gros lot et Gouverneur malgré lui, adaptées de ses propres scénarios, sortent ainsi en salles. Le succès est au rendez-vous et le second film rapporte à son auteur l'Oscar du Meilleur scénario. Preston Sturges débute alors une carrière de cinéaste fulgurante, composée de seulement douze longs métrages. Artiste ambitieux, cumulant plusieurs casquettes à la fois, il réinvente la comédie américaine en créant la "screwball comedy", sous-genre qui voit se bousculer histoires de moeurs, comique (souvent exagéré) de situation et dialogues percutants. Un Coeur pris au piège, Miracle au village, Madame et ses flirts, Oh! Quel mercredi, avec le roi du burlesque Harry Lloyd, et Infidèlement vôtre : les comédies de ce précurseur sont étonnantes, toujours un peu en avance sur leur temps.
Rebelle, critique, perfectionniste, souvent incompris par le public et les professionnels, Preston Sturges est un homme à part, qui a apporté la sophistication à la comédie. En 1941, il ose une féroce satire d'Hollywood avec Les Voyages de Sullivan. Plus tard, il s'essaie à la parodie avec Mam'zelle mitraillette. A la fin des années 40, le succès est moins au rendez-vous. Sturges tente en vain une collaboration avec Howard Hughes, plonge dans l'alcool et part s'installer en Europe. C'est en France, en 1955, qu'il signe son dernier film, Les Carnets du Major Thompson.
Clément Cuyer