D'abord photographe et peintre, Robert Bresson bénéficie d'une éducation catholique, qui marquera fortement son oeuvre. Il est âgé de plus de trente ans lorsqu'il se lance dans le cinéma, avec la réalisation du court métrage Les Affaires publiques, en 1934. Cinq ans plus tard, il collabore avec René Clair sur un projet que la Seconde Guerre mondiale vient annihiler. L'ascension de Bresson, prisonnier d'un camp allemand, est alors brutalement interrompue, et il faut attendre 1943 pour qu'il signe son premier long, un drame intitulé Les Anges du péché. Dialogué par Jean Giraudoux, le film, sobre, voire austère, et dont l'action se déroule au sein d'un couvent, pose les jalons d'une oeuvre à part.
En 1945, Robert Bresson adapte librement Diderot avec Les Dames du Bois de Boulogne. Le film, avec des dialogues de Jean Cocteau, est fraîchement reçu par le public et marque une rupture du réalisateur avec l'esthétique et la dramaturgie classiques du septième art. Insatisfait du jeu de ses comédiens, il fait un choix radical qu'il respectera tout au long de sa carrière : diriger des acteurs non-professionnels. En 1951, il signe Le Journal d'un curé de campagne, primé à Venise et lauréat du Louis-Delluc, qui impose un style puissant, où l'influence de la peinture et de la religion est nette.
Inclassable mais majeur, tellement à part qu'il ne peut être lié à aucun véritable mouvement, Bresson poursuit alors une carrière exempte de compromis. Cinéaste spirituel, il tend vers la sobriété, l'épure, le dépouillement, voire l'abstraction, avec des films comme Un Condamné à mort s'est échappé (1956, Prix de la mise en scène à Cannes) et Pickpocket (1959). Avec lui, la narration évolue, le hors-champ bénéficie d'une place primordiale, et image et son doivent être traités à la même échelle. Ainsi, il se distingue en refusant la notion de "cinéma", préférant évoquer celle de "cinématographe", qu'il définit comme "une écriture avec des images en mouvement et des sons".
Artiste perfectionniste, obsessionnel diront certains, Robert Bresson signe en 1962 Le Procès de Jeanne d'Arc, puis, quatre ans plus tard, Au hasard Balthazar. Considéré par certains, parmi lesquels Jean-Luc Godard, comme l'une des ses oeuvres les plus fortes, ce film dépeint le Mal à travers le parcours d'un âne. Après avoir doublement adapté Dostoyevsky (Une Femme douce, 1969; Quatre Nuits d'un rêveur, 1971), Bresson, dont la thématique la plus régulière reste celle de la rédemption, revient au film d'époque, douze ans après Jeanne d'Arc, avec Lancelot du Lac.
Avec ses derniers films (Le Diable probablement et L' Argent), Robert Bresson ne déviera pas d'un pouce dans son cheminement artistique, particulièrement exigeant, très loin des canons d'un cinéma spectaculaire et théâtral. Avec seulement une douzaine de longs métrages à son actif, il est considéré comme un cinéaste majeur ayant profondément marqué l'histoire du cinéma. Depuis 2000, chaque année lors de la Mostra de Venise, un prix à son nom vient récompenser celui dont l'oeuvre est "significative par sa sincérité et son intensité en faveur de la recherche du sens spirituel de notre vie."
Biographie rédigée par Clément Cuyer