Considéré dans son pays et de son vivant comme le "Dieu des mangas", Osamu Tezuka a influencé de manière décisive la destinée d'un art (l'animation), d'une industrie (les mangas) et surtout d'une culture (celle du Japon). Sa générosité était celle d'un agitateur et d'un humaniste, qui a exprimé sous mille travestissements son leitmotiv : "Aimez-vous les uns les autres. Aimez toutes les créatures. Aimez tout ce qui est vivant".
Déjà sur les bancs de l'école, Osamu Tezuka barbouille ses cahiers de dessins, inspirés des livres qu'il trouvait dans la bibliothèque de son père. Pendant la guerre, il continue, dès que le moment se présente, à dessiner des mangas. Un jour, un soldat américain saoul aborde Tezuka : le jeune homme ne comprenant pas un mot d'anglais reste muet et, énervé, le militaire le roue de coups. Cet incident où la violence fut engendrée par une déficience du processus de communication reste gravé dans le coeur de Tezuka, et devient l'un des thèmes récurrents de son oeuvre.
À 17 ans parallèlement à ses études de médecine, il décroche une place de rédacteur permanent pour le quotidien Shôkokumin Shimbun (le journal du jeune citoyen), où il publie sa première bande dessinée professionnelle, Le Journal de Ma. L'année suivante, Tezuka est pris d'une véritable fièvre créatrice. Il tire alors parti des procédés cinématographiques dont il s'est abondamment nourri. Le résultat produit se nomme La Nouvelle Ile au Trésor. Le volume est vendu en quelques mois, dans un pays détruit où la population peine à trouver l'argent nécessaire pour se nourrir.
Tezuka est alors sollicité de toutes parts, il devint une publicité vivante pour les magazines publiant des mangas, mais il n'abandonne pas ses études de médecine et réalise un nouveau rêve en décrochant un poste de critique de cinéma (il écrira des articles sur le sujet jusqu'à la fin de sa vie). Puisant à satiété dans sa très riche culture cinématographique, comme le prouvent trois de ses premières oeuvres, Lost World, Metropolis et Le Monde à venir, Tezuka introduit la notion de montage et de rythme dans la bande dessinée japonaise ainsi qu'un certain nombre de techniques qu'Hollywood réutilisera par la suite.
A l'âge de 24 ans Tezuka obtient son diplôme de médecin. Il est alors au fait de sa gloire, et créé en 1961 son studio de production : Mushi Production et en 1963, réalise la célèbre série Astro Boy. Déjà passionné par le mangaka, Stanley Kubrick commande à la vision de cette série plusieurs centaines de croquis à l'artiste pour 2001 : l'odyssée de l'espace. Mais refusant de subir l'habituelle tyrannie du cinéaste, Tezuka met rapidement un terme à leur collaboration. En 1965, le cinaste réalise la première série d'animation japonaise en couleurs : Le Roi Léo.
Mais 1973 est pour Osamu Tezuka une année des plus sombres. Cette année là, la faillite le contraint à fermer Mushi Production. Rien d'étonnant donc, si quelques mois après l'annonce de la funeste nouvelle, le maître donne vie à un (anti) héros manquant de couleurs : BlackJack porte le deuil de Mushi, il est l'exact reflet des états d'âme de son créateur, voire un autoportrait mélancolique et désabusé de Tezuka.
Agé de 55 ans, après une vie entière dédiée au travail, la santé de Tezuka décline. Fidèle à sa réputation, l'artiste transforme l'adversité en une formidable énergie lui permettant d'écrire l'un de ses mangas les plus célèbres : L'Histoire des trois Adolfs. En janvier 1989, Osamu Tezuka emporte son matériel de dessin jusque dans sa chambre d'hôpital. Il continue de respecter les échéances imposées par ses éditeurs jusqu'à sa mort en 1989.