Jusqu’à sa mort Juli Borissovitch Bryner dit Yul Brynner ne cessa d’alimenter la légende de ses origines, si bien que celles-ci restèrent nimbées de mystère. Etait-il né en 1915 ou 1920, sur l’île de Sakhaline ou sur le continent, à l’extrême pointe orientale de la Russie ? Avait-il des ascendances mongoles et tsiganes ? Eut-il pour nom Taidje Khan ? Plus probablement et prosaïquement fils d’un ingénieur d’ascendance suisse et bouriate et d'une mère issue de l'intelligentsia, petite-fille d'un médecin juif converti à l’orthodoxie, l’acteur serait né à Vladivostok en 1920. Après que son père a abandonné le foyer familial, en 1927, il suit sa mère en Chine, à Harbin (Mandchourie), où sa sœur et lui fréquentent une école de la YMCA. En 1934, la famille émigre en Europe et s’installe à Paris. Pour gagner sa vie, le jeune homme chante et joue de la guitare la nuit dans les cabarets, se liant notamment aux musiciens tsiganes qu’il accompagne. On le retrouve ensuite trapéziste au Cirque d’Hiver, puis, après un grave accident qui l’éloigne de la carrière d’acrobate, machiniste et acteur au théâtre des Mathurins dirigé par George Pitoëff. En 1941, nouveau départ, aux Etats-Unis cette fois, où le futur acteur, francophone, travaille dans un premier temps comme speaker auprès du US Office of War Information, lequel diffuse des programmes à destination de la France occupée. Il étudie également le théâtre, pose comme modèle et commence à se produire à Broadway.
En 1949, Yul Brynner fait ses premiers pas au cinéma dans La Brigade des stupéfiants, seul film dans lequel il apparaît avec sa chevelure naturelle. La métamorphose aura lieu deux ans plus tard, en 1951, lorsque l’acteur se rend célèbre en interprétant à Broadway le roi de Siam dans l’opérette de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein, The King and I. Un rôle emblématique qui lui vaut un Tony Award et qui deviendra véritablement le rôle d'une vie, puisque Yul Brynner le jouera plus de 4500 fois au cours de diverses productions (sans oublier une version télévisée, Anna et le roi, en 1972). Surtout, la transposition cinématographique dirigée par Walter Lang en 1956 fait de lui une star à Hollywood, et lui permet de remporter l’Oscar du meilleur acteur. Apparu depuis 1951 le crâne rasé pour interpréter son personnage, Yul Brynner n’abandonnera plus, rôles à perruque mis à part, ce look iconique qui définit une fois pour toutes sa singulière silhouette.
La même année 1956, il incarne Ramsès dans la méga-production de Cecil B. DeMille, Les Dix commandements, triomphe au box-office et classique absolu pour lequel il endure une minutieuse préparation physique. Après avoir ainsi donné la réplique à Charlton Heston, il renoue en quelque sorte avec son destin d’émigré en partageant l’affiche d’Anastasia avec Ingrid Bergman, toujours en 1956. Une fibre russe que l’acteur continue de faire vibrer en incarnant l’aîné des Frères Karamazov dans l’adaptation du roman de Dostoïevski par Richard Brooks en 1958, et un officier soviétique dans Le Voyage, d’Anatole Litvak (1959). Nouvelle adaptation littéraire en 1959 avec Le Bruit et la fureur de Martin Ritt, avant un retour en France et une apparition dans Le Testament d'Orphée (1960) de Jean Cocteau. Acteur typé, Yul Brynner campe aussi bien Salomon (Salomon et la reine de Saba, de King Vidor, 1959) que Taras Bulba (1962) ou le chef Aigle noir des Rois du soleil (1964), tourne au côté de Marlon Brando (Morituri, 1965), Orson Welles (La bataille de la Neretva, 1969) et Katharine Hepburn (La Folle de Chaillot, 1969). En 1960, son magnétisme fait de lui l'incontestable leader des Sept mercenaires de John Sturges, au côté de Steve McQueen, immense succès mondial. Les années 1970 seront moins fructueuses, qui le voient néanmoins, pistolero robotique, tourner le "western d’anticipation" Mondwest (Michael Crichton, 1973) et sa suite, Les Rescapés du futur (1976).
Au milieu des années 1980, un cancer du poumon est diagnostiqué à ce grand fumeur. Amant probable de Marlene Dietrich dans les années 1950, marié à quatre reprises, parrain de Charlotte Gainsbourg, l’acteur, qui fut également photographe, s’éteint le 10 octobre 1985, soit le même jour qu’un certain Orson Welles, son ancien partenaire à l’écran.