Biographie Frank Borzage

Quatrième enfant d'une famille nombreuse et modeste, d'origine italo-autrichienne par son père et suisse alémanique par sa mère, Frank Borzage grandit à Salt Lake City. Après avoir quitté l'école à 12 ans, ll aide son père maçon mais cet autodidacte, dont plusieurs frères feront carrière dans la musique, se passionne pour l'art dramatique. Réunissant ses économies pour prendre des cours, il intègre à 16 ans une troupe de théâtre du Colorado. Parti tenter sa chance à Los Angeles, il fait parfois l'assistant sur les plateaux mais se lance surtout dans une carrière d'acteur de cinéma : ce beau garçon aux yeux bleus et aux cheveux bouclés enchaîne les rôles à partir de 1912, tournant dans une centaine de films en cinq ans.

Désireux de ne pas se cantonner au travail d'acteur, le jeune et ambitieux Frank Borzage passe derrière la caméra au milieu des années 10, signant notamment plusieurs westerns pour la société Ince (qui l'employa comme comédien). En 1920, il obtient son premier grand succès avec Humoresque, portrait d'une famille juive du ghetto new-yorkais, filmée avec un réalisme audacieux pour l'époque. L'autre film marquant de cette période est Secrets (1924), histoire de couple inspirée d'une pièce de théâtre, et dont Borzage réalisera lui-même un remake avec Mary Pickford en 1933.

Engagé en 1925 par la Fox, il en devient bientôt l'un des auteurs phares, aux côtés de Murnau, l'auteur de "L'Aurore". Héroïne de ce dernier film, Janet Gaynor tourne au même moment dans L' Heure suprême (Seventh Heaven) de Borzage. Ce grand mélodrame, dont l'action se situe à Paris, décrochera l'Oscar du Meilleur réalisateur et de la Meilleure actrice lors de la toute première cérémonie de remise des fameuses statuettes, en 1928. Cette collaboration avec Janet Gaynor se poursuit sur L' Ange de la rue et L' Idole. Formellement, Borzage s'inspire de l'expressionnisme allemand, ce qui renforce la poésie d'oeuvres chargées de sensualité (La Femme au corbeau, 1929). A chaque fois, l'amour, même mis à l'épreuve, apparaît comme un rempart face à l'adversité.

Mais la réalité sociale et historique n'est pas absente du cinéma de Borzage. Il filme l'Amérique des laissés-pour-compte (Ceux de la zone), l'Allemagne pré-hitlérienne (Et demain) ou encore la Grande guerre dans L' Adieu aux armes, toute première -et très libre- adaptation d'une oeuvre d'Hemingway au cinéma en 1932. Six ans plus tard, une amitié entre soldats sera au coeur de Trois camarades, d'après le livre homonyme d'Erich Maria Remarque, adapté par Fitzgerald.. Lauréat d'un nouvel Oscar du Meilleur réalisateur en 1932 pour Bad Girl, le cinéaste, qui travaille pour différents studios (MGM, Columbia, Warner...) dirige les plus grandes stars d'Hollywood. Joan Crawford partage l'affiche de Mannequin avec Spencer Tracy puis celle du Cargo Maudit avec Clark Gable Ecrite et produite par Lubitsch, la comédie romantique sophistiquée Désir (Desire) réunit Marlene Dietrich et Gary Cooper.

Fidèle au genre du mélodrame quand il passe à la couleur (Chagrin d'amour) en 1941), il continue d'accorder la plus grande place au sentiment amoureux, y compris dans un film de pirates comme Pavillon noir (1945). Moins heureux dans un système hollywoodien qu'il juge plus contraignant et moins créatif, il s'éloigne des plateaux de cinéma après Le Fils du pendu (Moonrise) en 1948. Dans les années 50, il travaille pour la télévision (l'étonnant "Ma rencontre avec Caruso" qui célèbre la magie de la musique). Il reviendra au cinéma pour deux longs métrages peu marquants, "China Doll" et "The Big Fisherman". En 1960, il s'attelle à un projet ambitieux : l'adaptation de L'Atlantide de Pierre Benoit, mais au bout de deux jours de tournage en Italie, Borzage, en conflit avec la production, est remplacé par Edgar G. Ulmer. Il s'éteint en juin 1962, des suites d'un cancer, quelques mois après avoir reçu, de la part de la Director's Guild of America, un DW Griffith Award récompensant l'ensemble de sa carrière.