Lancé dès l'enfance dans le monde du cinéma, Jack Cardiff débute comme acteur dans de modestes (et muettes) productions anglaises. Le cinéma devenu parlant, le comédien passe de l'autre côté de la caméra et se fait cadreur, puis directeur de la photographie. Une longue expérience dans le court métrage lui permet de parfaire sa technique. A la fin de années 30, Zoltan Korda le recrute pour Les Quatre Plumes blanches, une fresque guerrière sur fond de colonie britannique aux Indes. Le travail exceptionnel du jeune technicien (bientôt tenu pour un artiste) attire l'attention de Michael Powell et Emeric Pressburger, un tandem d'esthètes du cinéma anglais à la tête de la firme Archers et proche de Korda, font appel à lui pour Colonel Blimp. Et la magie opère, la photo de Cardiff se hissant à la hauteur de la réalisation virtuose de Powell. Le trio fait à nouveau équipe à trois reprises : Une question de vie ou de mort, Le Narcisse noir (qui vaut un Oscar à Cardiff) et Les Chaussons rouges.
Directeur de la photographie adulé, Cardiff cède aux sirènes hollywoodiennes et multiplie les collaborations prestigieuses. Il éclaire ainsi les vénimeux Les Amants du Capricorne d'Alfred Hitchcock, l'envoûtante Pandora d'Albert Lewin, la tropicale African Queen de John Huston, le monumental Guerre et paix de King Vidor, la troublante La Comtesse aux pieds nus de Joseph L. Mankiewicz et l'épique Les Vikings de Richard Fleischer. Autant de productions d'envergure (et de classiques en devenir) où Cardiff distille une lumière incomparable, à la fois expressive et fascinante (Cf. la brume des Vikings, l'ambiance féérique de Pandora).
Parallèlement à son travail de directeur de la photographie, Cardiff s'essaie à la réalisation dès 1958. En 15 ans, il signera une douzaine de films. De cette carrière de cinéaste émergent quelques réussites remarquables : Amants et fils (un drame sur les mineurs), Les Drakkars (un film d'aventures qui se pose en digne héritier des Vikings) et Le Jeune Cassidy (un projet que John Ford, malade, dut abandonner après seulement deux jours de tournage).
A la fin des années 60, s'il poursuit une honorable carrière, Cardiff ne connaît plus les sommets passés. Il se met encore au service du maître Fleischer et collabore avec John Irwin et Michael Winner, mais les années Powell-Huston-Hitchcock semblent loin... En 2001, Hollywood lui décerne un Oscar d'honneur (reçu des mains de Dustin Hoffman). Le génie de la photo avait déjà pris sa retraite depuis plus de 10 ans.