Deuxième des trois fils d'un quincaillier de Poitiers surnommé "Le Président Berry" (en référence à une figure historique locale), Jules Peaufichet est encore un enfant lorsque sa famille décide de s'installer à Paris. S'il a appris le piano, il se passionne surtout très tôt pour l'art dramatique : lycéen à Louis Legrand, il écrit alors avec son camarade Paul Géraldy une pièce en un acte, Le Biniou. Diplômé d'architecture aux Beaux-arts, il envisage, un temps, d'entrer dans les ordres. Lorsqu'il fait part de son souhait de devenir comédien à Georges Berr, sociétaire de la Comédie-Française, celui-ci le décourage de poursuivre dans cette voie.
Un jour de pluie de 1903, alors qu'il travaille en tant que commis pour un architecte, il s'abrite sous le porche du Théâtre Antoine. Lorsqu'il comprend qu'il s'agit d'une journée d'audition, il se porte candidat. Engagé (mais congédié au bout de quelques semaines), il joue bientôt dans d'autres salles, comme L'Ambigu ou L'Athénée. S'il fait quelques apparitions dans des films muets (Tirez s'il vous plait... en 1908, Olivier Cromwell en 1911 ou L'Argent de Marcel L'Herbier en 1928), il passe l'essentiel de son temps sur les planches, d'abord à Bruxelles (de 1908 à 1920) puis dans les théâtres de Boulevard parisiens.
A partir de 1931 -et de "Mon coeur et ses millions "d'André Berthomieu, son premier film parlant-, Jules Berry enchaîne les tournages. Si le cinéma ne lui permet pas de laisser libre cours à ses talents d'improvisateur autant que le théâtre, le public est heureux de retrouver à l'écran sa silhouette élégante, ses gestes sophistiqués et son sourire enjôleur. Il multiplie d'ailleurs les rôles de séducteur, de Jeunes filles à marier avec Josseline Gael -sa troisième et dernière compagne à la ville- au Voleur de femmes d'Abel Gance (1938), et peu importe s'ils sont hors-la-loi, comme Monsieur Personne (dans un film de 1936 signé Christian-Jaque) ou Arsene Lupin détective (devant la caméra de Henri Diamant-Berger en 1937).
Vu dans L'Homme de Londres, l'adaptation de l'oeuvre de Simenon par Henri Decoin, Jules Berry trouve ses rôles les plus marquants grâce à la plume de Jacques Prévert. Celui-ci co-signe d'abord le scénario du Crime de Monsieur Lange de Jean Renoir (1935), un drame qui annonce le Front populaire et dans lequel Berry campe avec délectation un patron cupide et malhonnête. Sur des dialogues du même Prévert, Jules Berry incarne un individu aussi peu recommandable dans Le Jour se lève de Marcel Carné en 1939 : un dresseur de chiens sournois qui affronte Jean Gabin. Le tandem Carné-Prévert va encore plus loin, mais dans une veine plus onirique, en offrant à Jules Berry le rôle du Diable en personne dans Les Visiteurs du soir en 1942.
Partenaire de Raimu et Fernandel ("Ces petits riens", Les rois du sport) ou Michel Simon (Le Mort en fuite), Jules Berry figure au casting de quelques 90 longs métrages, en seulement 20 ans de carrière. Mais c'est souvent pour des raisons purement financières que ce joueur invétéré, habitué des casinos et des hippodromes, accepte de tourner dans des films qui ne sont que trop rarement à la hauteur de son panache et de son charisme dandy. Lui qui a eu l'honneur de jouer son propre rôle dans "L'Assassin n'est pas coupable" (1946) meurt, malade et sans le sou, au printemps 1951.