Cinéaste secret et peu prolifique, l'Américain Lodge H. Kerrigan n'a tourné que trois films, unis par un goût certain pour les sujets douloureux et par une mise-en-scène souvent qualifiée de "froide" ou de "clinique". Diplômé de la Graduate School of Film de l'Université de New York, cet admirateur des films de Bresson et de Chantal Akerman a d'abord commencé comme assistant caméraman sur quelques productions indépendantes (dont le deuxième segment de High School, du célèbre documentariste Frederick Wiseman) et comme acteur occasionnel (comme dans The Search for One-eye Jimmy, obscure comédie réunissant Steve Buscemi et Samuel L. Jackson).
Sa carrière prend un tournant décisif lorsqu'il présente au Festival de Cannes 1994 (section Un Certain regard) son premier film en tant que réalisateur et scénariste, Clean, Shaven, étrange histoire d'un schizophrène kidnappant sa fillette. Acclamé dans plus de trente festivals et lauréat de nombreux prix, le film ne fait pas pour autant de Kerrigan une figure à la mode, ni même connue du grand public. Ce n'est que quatre ans plus tard qu'il donne naissance à un nouveau film, Claire Dolan, également présenté à Cannes, cette fois en compétition : Katrin Cartlidge y incarne une call-girl brimée par son proxénète (Colm Meaney) et sauvée par l'amour que lui porte un chauffeur de taxi (Vincent D'Onofrio). Malgré les nombreuses récompenses que reçoit à nouveau ce dernier film, Kerrigan s'absente des écrans durant six ans.
Il revient au cinéma en 2004, soit dix années après son premier film, avec Keane, l'histoire d'un homme endeuillé par la disparition de sa petite fille et essayant désespérement de repartir à zéro au contact d'une mère de famille célibataire.