Né de parents juifs russes qui ont immigré aux Etats-Unis, le jeune Richard Brooks ambitionne d’entamer une carrière de journaliste une fois ses études achevées. Dans les années 1930, il travaille ainsi comme reporter sportif au sein du journal quotidien de Philadelphie "Philadelphia record", puis devient éditorialiste pour une radio new-yorkaise. En parallèle de cette activité professionnelle des plus prenantes, il se passionne pour le théâtre, et met en scène plusieurs pièces à Broadway.
Après avoir servi lors de la Seconde Guerre mondiale en restant aux Etats-Unis pendant deux ans - période durant laquelle il trouve le temps d’écrire son premier roman qui sera par la suite adapté en film (Feux croisés en 1947) - Richard Brooks se rend à Hollywood pour faire carrière. Il commence par écrire des scénarios dans lesquels son talent se fait sentir, tout comme l’un des aspects les plus importants de sa carrière : son engouement à dénoncer diverses formes d’oppression. Dans Les Démons de la liberté (Jules Dassin, 1947) par exemple, Brooks s’insurge contre l’abus de pouvoir du côté des dirigeants, à travers la lutte d’un groupe de détenus contre le tyrannique surveillant chef d’une prison assimilée à une véritable forteresse.
Dans les années 1940, Richard Brooks écrit plusieurs scénarios donnant lieu à autant de films (dont Les Tueurs révélant un certain Burt Lancaster), puis se voit confier sa première réalisation, par la MGM, avec Cas de conscience en 1950. Fidèle à ses principes, le jeune cinéaste s’attaque ici à la dictature en Amérique latine, avec Cary Grant dans le rôle principal. C’est d’ailleurs en partie grâce à ce dernier que le projet aboutit, le comédien insistant fortement auprès des producteurs pour que ce soit Brooks et personne d’autre qui soit en charge de la mise en scène du film.
Fort de cette première expérience réussie, il poursuit sur sa lancée en réalisant plusieurs films engagés dans les années 1950 (sa décennie la plus prolifique). Dans tous les cas, les situations et les personnages présents dans ses films peuvent être considérés comme étant au service de ses idéaux. Ainsi, Bas les masques (1952) se centre sur un journaliste symbolisant la liberté d’expression, Sergent la terreur (1953) remet en cause les excès de sévérité des dirigeants militaires, Graine de violence (1955) pointe du doigt les dysfonctionnements inhérents au système éducatif américain, et La Dernière chasse (1957) revendique les droits des Indiens.
A la fin des années 1950, Richard Brooks s’oriente davantage vers des adaptations d’œuvres littéraires, ce qui ne l’empêche pas de réaliser plusieurs chefs-d’œuvre du septième art. C’est le cas des Frères Karamazov (1957) et surtout La Chatte sur un toit brûlant (1958), gros succès critique et commercial lui permettant de recevoir ses premières nominations aux Oscars du Meilleur réalisateur et du Meilleur film. Il réalise ensuite Elmer Gantry le charlatan (1960), critiquant les dérives commerciales de la religion et symbolisant également les prémices de l'indépendance totale du cinéaste à l'égard des grands studios. Grâce à ce film, Brooks remporte l'Oscar du Meilleur scénario, et son comédien fétiche Burt Lancaster est sacré Meilleur acteur.
A partir des années 1960, même s’il n’est plus aussi actif que dans la décennie précédente, Richard Brooks continue de varier les genres en donnant lieu à des films inoubliables. Après Lord Jim en 1965 - ambitieux projet qui s’est soldé par un échec commercial - il met en scène Les Professionnels l’année suivante, considéré par beaucoup de cinéphiles comme étant l’un des meilleurs westerns jamais réalisés. En 1967, il adapte le roman de Truman Capote "De sang-froid" dans un film éponyme, au sein duquel il dénonce la peine de mort en ayant recours à plusieurs partis pris artistiques radicaux (style documentaire accentuant la froideur des scènes, utilisation du noir et blanc, acteurs inconnus incarnant les deux tueurs, etc.).
Après ces deux chefs-d’œuvre, son rythme de travail ralentit à nouveau dans les années 1970 et 1980, ce qui ne l’empêche pas de continuer à tourner avec les plus grands, comme Gene Hackman (La Chevauchée sauvage, 1975), Diane Keaton (A la recherche de Mr Goodbar, 1977) et Sean Connery (Meurtres en direct, 1982, son avant-dernier film précédant La Fièvre du jeu trois ans plus tard). Le 11 mars 1992, Richard Brooks meurt d’une crise cardiaque. Il laisse derrière lui plusieurs films cultes, témoignant du parcours exceptionnel d'un artiste brillant et engagé.
Auteur : Laurent Schenck