Né à Vienne dans une famille juive, Fred Zinnemann ambitionne d’abord de devenir musicien, puis entame des études de droit pour finalement se diriger vers le métier d’opérateur qu’il apprend à Paris et Berlin. Il travaille notamment aux côtés de Robert Siodmak sur Les Hommes le dimanche (1930), puis s’envole pour Hollywood suite à l’avènement du nazisme. Mais c’est au Mexique qu’il tourne son premier film, le documentaire Les Révoltés d'Alvarado. S’en suivent une vingtaine de courts métrages de 1938 à 1942, dont l'oscarisé "That Mother Might Live" (et plus tard "Benjy" en 1951, remportant également une statuette).
En 1942, il passe au long métrage avec "L’Assassin au gant de velours" et "Les Yeux dans les ténèbres", pour ensuite signer son premier grand succès, La Septième croix produit par la MGM, avec Spencer Tracy dans le rôle principal. Basé sur le roman éponyme d’Anna Seghers, l’histoire du film, focalisée sur les péripéties d’un groupe de prisonniers échappés d’un camp de concentration allemand, est emblématique de certaines thématiques très ancrées dans la filmographie de Zinnemann (par exemple celle de l’héroïsme, symbolisée ici par des Allemands anti-Nazis qui viennent en aide au personnage de Tracy).
Après la Seconde Guerre mondiale, il réalise deux films à contre cœur et pour lesquels il n’a que très peu de marge de manœuvre ("Little Mister Jim" et My Brother Talks to Horses). Un an plus tard, il poursuit avec le bien meilleur Les Anges marqués, où Montgomery Clift (son premier rôle) interprète un soldat américain aidant une jeune survivante des camps de concentration à retrouver sa mère, dans le Berlin de l’après-guerre. Cette même année sort également en salles le film noir Acte de violence, confirmant par la même occasion sa réputation de cinéaste brillant et inventif.
Zinnemann réalise ensuite C'étaient des hommes en 1950, avec Marlon Brando dans la peau d’un ancien soldat paraplégique de retour chez lui, témoignant une fois de plus de son engouement à se centrer sur des trajectoires personnelles malmenées par les aléas historiques. Son humanisme se retrouve aussi dans l’un de ses films les plus connus, le western culte se déroulant en temps réel Le Train sifflera trois fois (1952), dont l’aspect idéologique est clairement orienté vers la dénonciation du maccarthysme. Le film vaut à Gary Cooper, son inoubliable tête d’affiche, l’Oscar du Meilleur acteur.
Egalement considéré comme l’un de ses chefs-d’œuvre, Tant qu'il y aura des hommes est porté par un casting 4 étoiles - Lancaster, Clift, Kerr, Sinatra - et évoque les vies de soldats d'une caserne militaire d'Hawaii avant et pendant l’attaque surprise japonaise de 1941. Ce film est couronné par huit Oscars, dont ceux du Meilleur film et du Meilleur réalisateur, récompense ultime pour Zinnemann, qui est alors à son apogée. Ses prochains films sont nettement moins mémorables : trop conventionnels, Oklahoma ! (1955), Au risque de se perdre (1959) et Les Horizons sans frontières (1960) ne se hissent pas à la hauteur de ses précédentes réalisations.
Il gagne cependant à nouveau en qualité avec le drame historique Un Homme pour l'éternité, lui permettant de remporter à nouveau l’Oscar du Meilleur réalisateur. En procès contre MGM à partir de 1969, ce n’est que sept ans plus tard que Zinnemann revient à la mise en scène. Le Chacal, film de suspense produit par Universal où Edward Fox tente d’assassiner le président Charles de Gaulle, sort en 1971 et rencontre le succès. En 1977, il s’attèle au drame Julia, d’après la pièce de Lillian Hellman, puis décide de mettre un terme à sa carrière après l’échec de son dernier film, Cinq jours ce printemps-là. Il s’éteint à l’âge de 89 ans d’une crise cardiaque, laissant derrière lui une carrière exceptionnelle, ponctuée de films dramatiques où des individus souvent porteurs de valeurs humanistes sont à la merci d'évènements tragiques.
Auteur : Laurent Schenck