Entrons dans la danse, Sur les ailes de la danse… Nombreux sont les titres qui pourraient résumer la carrière de Fred Astaire, tant il a grandement pris part à l’âge d’or de la comédie musicale hollywoodienne. Né Frederick Austerlitz, il n’a que 5 ans lorsqu’il se prend de passion pour la danse et choisit Astaire comme nom de scène, à la suite d’une pièce dans laquelle il joue avec sa sœur aînée, Adele. Celle-ci sera d’ailleurs sa partenaire attitrée jusqu’en 1932 : de Broadway au New Amsterdam Theatre, en passant par l’Angleterre, tous deux enchaînent les représentations et ils ne doivent leur séparation qu’au mariage de la jeune femme.
Fred Astaire n’en délaisse pas les planches pour autant. Pas tout de suite du moins, puisqu’il incarne le rôle principal de "La Joyeuse divorcée", comédie musicale écrite par Cole Porter, à 248 reprises. C’est à ce moment-là que le 7ème Art commence à lui faire les yeux doux, à l’image du producteur et réalisateur Mervyn LeRoy, qui souhaite transposer "La Joyeuse divorcée" sur grand écran. Mais ses premiers essais à la RKO sont loin d’être un succès, dans la mesure où un membre du studio souligne surtout la faiblesse de son jeu et son début de calvitie. Des critiques qui n’empêchent toutefois pas le producteur David O. Selznick de l’engager pour jouer dans Carioca, en 1933.
Le film étant repoussé à plus d’une reprise, l’acteur se tourne alors vers Le Tourbillon de la danse, où il interprète ni plus ni moins que son propre rôle, avant de revenir à Carioca. Une étape clé de sa carrière, puisque le long métrage marque les débuts de sa collaboration avec la RKO et – surtout – avec Ginger Rogers, comédienne avec qui il avait eu une liaison quelques années plus tôt, et qui partagera l’affiche avec lui à dix reprises, entre 1933 et 1949. C’est d’ailleurs à ses côtés qu’il apparaît, en 1934, dans l’adaptation cinématographique de La Joyeuse Divorcée, avant que le duo ne rencontre l’un de ses plus gros succès grâce au Danseur du dessus, l’année suivante. En plus de maintenir la RKO à flots, le long métrage de Mark Sandrich impose Fred Astaire et Ginger Rogers comme l’un des duos mythiques d’Hollywood.
Un duo qui sera pourtant vite mis à mal, car outre En suivant la flotte, des films tels que L'Entreprenant M. Petrov, Sur les ailes de la danse ou Demoiselle en détresse ne rencontrent pas le succès escompté, et les deux comédiens mettent fin à leur collaboration en 1939, après le tournage de La Grande Farandole. Fred Astaire est alors beaucoup moins présent sur les écrans, et ses rencontres avec Eleanor Powell (Broadway qui danse) ou Rita Hayworth (L'Amour vient en dansant) ne lui permettent pas de retrouver les sommets ni une alchimie semblable à celle qu’il a pu avoir avec son ancienne partenaire. Si bien qu’en 1946, au moment de la sortie de La Mélodie du bonheur, l’acteur annonce son désir de se retirer des plateaux, générant ainsi des milliers de lettres de protestation de fans.
Mais le hasard fait bien les choses : en 1947, alors qu’il doit être la vedette de Parade de printemps aux côtés de Judy Garland, Gene Kelly se casse la cheville. Il fait alors appel à Fred Astaire pour le remplacer, et celui-ci accepte. Voyant dans ce nouveau duo une potentielle poule aux œufs d’or, Arthur Freed et la MGM décident de le reconduire pour Entrons dans la danse, jusqu’à ce que les déboires de l’héroïne du Magicien d'Oz ne conduisent à son éviction et son remplacement par… Ginger Rogers ! Dix ans après leur dernière collaboration, le couple mythique se reforme donc, devant la caméra de Charles Walters et le public prouve qu’ils ont toujours une place importante dans leur cœur.
C’est pourtant en solo que Fred Astaire entamera la suite de sa carrière et la décennie suivante. Récompensé par un Oscar d’honneur en 1950, pour sa contribution à la technique des comédies musicales, il est convié au Mariage royal de Stanley Donen. Ce même Stanley Donen qui, deux ans plus tard, et associé à Gene Kelly, va pourtant mettre un léger coup à ses claquettes, son haut de forme et sa queue de pie, grâce à Chantons sous la pluie. Certains le disent alors fini, mais il va rebondir grâce à l’un des maîtres du genre, Vincente Minnelli, et un projet des plus personnels : Tous en scène !, ou The Band Wagon en anglais, comme le titre de l'un des spectacles qu’il a joués sur les planches avec sa sœur. Quelques chansons en sont d’ailleurs reprises et l’histoire, bien que différente, présente des similitudes avec la situation d’Astaire, puisque ce dernier y joue un acteur sur la pente descendante, songeant à prendre sa retraite, et qu’un show va remettre en selle.
Fort de ce succès critique et public, Fred Astaire termine les années 50 en musique et donne notamment la réplique à Audrey Hepburn (Drôle de frimousse), avant de changer de registre dans Le Dernier rivage (1960), drame de science-fiction emmené par Gregory Peck et Ava Gardner. Il tentera quand même un retour à la comédie musicale en 1968, devant la caméra d’un débutant nommé Francis Ford Coppola, mais l’échec de La Vallée du bonheur prouve bien que son âge d’or et celui du genre sont révolus. Il se tourne alors vers le petit écran (Opération vol) avant de rejoindre Paul Newman et Steve McQueen au casting de La Tour infernale ("Un film amusant à faire : que de l’eau et du feu"), qui lui vaudra le Golden Globe du Meilleur Second Rôle, et sa première (et dernière) nomination aux Oscars, en 1975.
De plus en plus rare sur les écrans, Fred Astaire apparaît ensuite chez Yves Boisset (Un taxi mauve) ou dans la série Galactica, et reçoit, en 1981, un Life Achievement Award saluant l’ensemble d’une carrière à laquelle il met un point final peu de temps après, grâce au Fantôme de Milburn. Décédé six ans plus tard, le 22 juin 1987, il reste, aujourd’hui encore un modèle en matière de comédie musicale doublé d’un acteur perfectionniste, mais dénué de cynisme, lui a qui toujours décrit son parcours de la sorte : "Rien de ce dont je me rappelle de ce business (…) ne m’a déplu (…) Il n’y a rien que je n’aie pas aimé."
Maximilien Pierrette