Fille de l’archéologue Henri Seyrig et de la navigatrice Hermine de Saussure, Delphine Seyrig est née à Beyrouth en 1932. Passant son enfance dans plusieurs pays la jeune fille prend des cours d'art dramatique dès ses 16 ans. A vingt ans, elle décroche son premier rôle dans la pièce L'Amour en papier de Louis Ducreux et tente d’entrer au Théâtre national populaire, mais en raison de son timbre de voix jugé trop particulier sa candidature est refusée. Une voix que le comédien Michael Lonsdale (avec lequel elle jouera à cinq reprises) comparera plus tard à la musique d’un violoncelle. En 1950 la jeune actrice épouse le peintre américain Jack Youngerman dont elle aura un fils 6 ans plus tard, Duncan Youngerman. Le couple s’installe quelques années à New York et Delphine Seyrig prend des cours à L’Actor studio alors dirigé par Lee Strasberg. Elle décroche, en 1958, un rôle dans le moyen métrage de Robert Frank et Alfred Leslie, Pull my Daisy. Enchaînant les pièces de théâtre, la jeune comédienne est remarquée par Alain Resnais - lors d’un voyage à New York - alors qu’elle joue dans Un ennemi du peuple d’Henrik Ibsen. Delphine Seyrig revient en France en 1960 et le metteur en scène lui propose un rôle dans son deuxième long métrage L' Année dernière à Marienbad. Le film remporte le Lion d'Or à la Mostra de Venise en 1961 et décroche, deux ans plus tard, une nomination à l'Oscar du Meilleur scénario. Grâce à ce film Delphine Seyrig accède à la notoriété. Le cinéaste lui offre le rôle principal de son film suivant : Muriel ou le temps d'un retour, pour lequel elle décroche le Prix de la meilleure interprétation féminine à Venise en 1963.
En 1966 elle fait une apparition dans le faux-documentaire Qui êtes-vous Polly Maggoo ? mis en scène par l’ancien photographe de Vogue William Klein (qu’elle retrouvera en 1969 pour Mister Freedom), avant de tourner pour la première fois, l’année suivante, sous la direction de celle qui deviendra son amie : Marguerite Duras. Les deux femmes travailleront ensemble à quatre reprises. La première fois en 1967 pour La Musica, l’adaptation au cinéma de la pièce de Marguerite Duras, elles se retrouveront en 1975 sur le tournage du film India Song, dans lequel la comédienne partage l’affiche avec Michael Lonsdale. Le film, à la musique envoûtante, sera d’ailleurs nominé trois fois aux Césars en 1976 (meilleure actrice pour Delphine Seyrig, meilleure musique pour Carlos d'Alessio et meilleur son pour Michel Vionnet). Un an plus tard, Marguerite Duras poursuit avec Son nom de Venise dans Calcutta desert. Le film reprend la bande-son d'India Song en l’apposant sur d'autres images : les ruines du Palais Rotschild à Boulogne. Baxter, Vera Baxter, en 1977, marque la dernière collaboration des deux femmes: dans cette ode à la féminité Claudine Gabay se confie à Delphine Seyrig et lui raconte que son mari volage paye un homme afin qu’il soit l’amant de sa femme.
En 1968, elle tourne sous la direction de Joseph Losey dans Accident. Le film, reçoit le Grand Prix Spécial du Jury lors du Festival de Cannes, ainsi que le Prix de l'Union Internationale de la critique. L'actrice retrouve le metteur en scène en 1973 pour le long métrage La Maison de poupées.
Dans Baisers volés de François Truffaut elle donne la réplique à Jean-Pierre Léaud. Elle tient le rôle de la troublante Fabienne Tabard, incarnation même de la femme libre et inaccessible. Puis fait la rencontre de Luis Buñuel qui lui offre le rôle de la prostituée dans La Voie lactée avant de lui confier, en 1972, l’un des premiers rôles du Charme discret de la bourgeoisie, récompensé par l’Oscar du Meilleur film étranger en 1973.
Poursuivant sur sa lancée la comédienne enchaîne les rôles au début des années soixante-dix, elle est la fée dans Peau d'âne de Jacques Demy, succombe au charme de Sami Frey (dont elle partagera la vie jusqu'à sa mort en 1990) dans Le Journal d'un suicidé de Stanislav Stanojevic (sélectionné à Cannes et à Venise en 1972), et est l’une des rares femmes au casting du Chacal de Fred Zinnemann. A partir de 1975 elle tourne principalement sous la direction de femmes : Liliane de Kermadec (Aloïse & Le Petit Pommier ), Chantal Akerman (Jeanne Dielman 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles, Les Années 80 et Golden Eighties), Agnès Varda (Documenteur), sans oublier Marguerite Duras.
Figure emblématique de la femme libre, Delphine Seyrig est avant tout une féministe engagée. En mai 68 elle prend part au mouvement féministe et participe en 1971 au Manifeste des 343, pour défendre la liberté d’avorter. Pour le collectif "Les Insoumuses", elle collabore avec Carole Roussopoulos & Ioana Wieder et met en scène des films militants, le plus marquant étant le documentaire Sois belle et tais-toi, pour lequel elle rencontre 24 actrices qui lui confient certaines expériences de tournage et parlent de la place de la femme dans l’industrie du cinéma.
En 1982 elle fonde, toujours avec Carole Roussopoulos et Ioana Wieder, le Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir qui recense les documents audiovisuels sur les droits et les luttes des femmes. Parallèlement à ses engagements elle poursuit le cinéma, elle donne la réplique à Maurice Bejart dans Je t'aime, tu danses, enchaîne avec le drame de Mario Monicelli : Dear Micheal, Ours d'Argent du Meilleur réalisateur lors de la Berlinale de 1976 et est nommée au César de la meilleure actrice en 1978 pour son rôle dans Repérages de Michel Soutter dans lequel elle partage l'affiche avec Jean-Louis Trintignant.
En 1981, elle est une nouvelle fois nommée au César de la meilleure actrice dans un second rôle pour Chere inconnue de Moshe Mizrahi dans lequel elle partage l’affiche avec Simone Signoret et Jean Rochefort. En 1988, elle offre une brillante interprétation de Sarah Bernhardt sur son lit de mort dans Sarah et le cri de la langouste de Marcel Bluwal avant de retrouver Sami Frey pour le téléfilm de Benoît Jacquot, La Bête dans la jungle . Jeanne d'Arc de Mongolie d’Ulrike Ottinger marquera sa dernière apparition au cinéma en 1989.
Delphine Seyrig s'éteint le 15 octobre 1990, à l'âge de 58 ans, des suites d'un cancer du poumon.
Laëtitia Forhan