Fin 1944, la France rêve à un régime politique qui ne reproduise plus les erreurs qui l’ont conduite à la pire défaite de son histoire. Et pourtant, alors que l’Indochine entre dans une dure guerre d’indépendance, précédant de peu la Tunisie, le Maroc et bientôt l’Algérie, la Constitution de la IVe république votée en 1946 accouche des mêmes hommes et des mêmes pratiques. Bien décidé à changer les règles institutionnelles, s’il bascule profondément la donne, de Gaulle n’en bénéficie pas moins des acquis du régime précédent, en particulier sur le plan économique. Mais, dès la fin de son premier quinquennat, il se retrouve confronté à l’usure du pouvoir et aux vieux démons de la vie politique française : ententes entre partis, préservations des avantages acquis, népotisme… Ses successeurs n’y arrangeront rien. À tel point qu’une question, certes provocante, peut se poser. La Ve du général de Gaulle ne fut-elle pas un épisode de plus dans ce long continuum qui, de la Révolution, en passant par les empires, à l’avènement de la république, consacre la passion des Français pour les hommes providentiels et leur haine à leur égard sitôt les temps difficiles passés ?